La première encyclique du pape François marque bien le lien entre le nom qu’il s’est choisi lors de son élection et le saint du 13e siècle qui inspira un grand renouveau dans l’Église. Nous connaissons d’ailleurs François d’Assise pour son amour de la nature dont chaque élément était pour lui une sœur, un frère, tous appelés à louer Dieu pour tant de merveilles!
Pour François, la terre est « notre maison commune » à tous les humains. C’est d’ailleurs à toute l’humanité qu’il s’adresse plutôt qu’aux seuls catholiques. Et il est fort intéressant d’entendre des scientifiques comme Hubert Reeves et d’autres y voir des éléments convaincants pour alarmer les responsables politiques de la planète et permettre une réflexion accessible. Le philosophe Edgar Morin y a même vu l’acte premier d’un appel pour un changement de civilisation!
L’avenir en question
S’appuyant sur des études scientifiques parmi les plus sérieuses, le pape affirme qu’on ne peut plus douter de la réalité du réchauffement climatique qui provoque déjà des dérèglements notoires ayant pour effet de causer des désastres de plus en plus fréquents et plus destructeurs. De sujet réservé au monde scientifique, le changement climatique relève désormais de l’éthique et de la morale, car il affecte des vies bien réelles, en particulier dans des régions parmi les plus pauvres et les plus vulnérables.
« Malheureusement, selon François, il y a une indifférence générale face à ces tragédies qui se produisent en ce moment dans diverses parties du monde. » Il pointe notre indifférence à tous, mais il se montre plus dur envers les dirigeants politiques qui « semblent surtout s’évertuer à masquer les problèmes ou à occulter les symptômes, en essayant seulement de réduire certains impacts négatifs du changement climatique. »
Pour nous ici, qui hésitons encore à refuser l’exploitation pétrolière et gazière, l’invitation du pape à « s’engager sans retard sur la voie du remplacement progressif des combustibles fossiles et l’accroissement des sources d’énergie renouvelable » devrait nous inciter à bousculer les partis politiques pour qu’ils modifient substantiellement leurs approches de développement en proposant des mesures réellement écologiques.
« Tout est lié, tout nous est donné, tout est fragile. »
C’est ainsi que l’économiste Elena Lasida résume l’encyclique du pape. Ce dernier appelle à une conversion anthropologique et spirituelle profonde qui concerne chaque être humain. Nous sommes invités à ne plus nous positionner « au-dessus », mais comme « inclus dans la nature ». Cela implique une nouvelle manière de nous comporter, non plus comme des exploitants et des dominants, mais comme partie prenante de la nature. Car c’est à nous-mêmes que nous nous en prenons lorsque nous demeurons indifférents aux conséquences de nos choix consuméristes. Il s’agit en sorte d’une écologie intégrale à mettre en œuvre de manière urgente.
Pour François, les pauvres du monde sont les premiers à souffrir de la détérioration de la planète. Alors que nous poursuivons à un rythme soutenu la consommation effrénée et que nous nous condamnons à la croissance économique inconsidérée, nous perpétuons la dévastation de notre environnement et causons des dommages aux populations qui ne peuvent plus qu’aspirer à la migration pour s’en sortir. Le pape ose affirmer ce que peu de gens veulent entendre : « l’heure est venue d’accepter une certaine décroissance dans quelques parties du monde, mettant à disposition des ressources pour une saine croissance en d’autres parties. » N’en sommes-nous pas là?
François insiste aussi sur la notion de solidarité intergénérationnelle. Pour un grand nombre d’entre nous, la croissance économique du siècle dernier a permis l’amélioration sensible de nos conditions de vie. Nous savons que les générations nouvelles n’auront pas accès à un tel niveau de vie. Nous leur laissons une planète en sale état et une hypothèque accablante qu’elles devront assumer pour inverser le cours des choses. Le pape croit qu’une juste distribution de la richesse et des ressources est possible et qu’elle constitue la base de toute politique réellement humaine pour que le monde ait un avenir, pour que nos enfants puissent jouir sainement, eux aussi, de notre « maison commune ».
Non, il ne s’agit pas de revendications à la manière de militants écologistes. Le pape réclame une conversion qui doit commencer maintenant. Elle est l’affaire de toutes et de tous, des élus certainement, mais en commençant par vous et moi.
Comment réagissez-vous ?