
Sur le fil Twitter cette semaine, un de mes contacts a mis un lien vers le site de Dernier Guerrier, un groupe musical qui appartient clairement à la mouvance néonazie. Surpris, parce que je suis toujours assez optimiste sur la nature humaine, je me mets à fouiller quelque peu pour découvrir que cette idéologie est réellement présente au Québec et ce, de manière organisée. Je découvre notamment que le groupe tient un blogue, mais que celui-ci n’est accessible que sur invitation. Vous devinerez que je ne fais pas partie des invités!
Je me permets de citer quelques extraits des chansons de ce groupe:
Le Québec est envahi
Plein de rapaces dans le pays
Prenons les armes dès maintenant (Jeune Guerrier)Ce sont les juifs qui mènent avec leur argent
Ré-ouvrons les camps de concentration
Faisons d’Israël une grande prison (Accommodements raisonnables)Fils d’Allah tu verras bien
Toutes les mosquées brûleront demain
Fils d’Allah j’vais égorger
Ta femme, ton fils, toute ta lignée (Fils de bâtard)
Si vous en voulez davantage, allez voir par vous-mêmes, mais je ne crois pas qu’il est souhaitable d’encourager le groupe par des visites sur leur site! Ses membres pourraient croire que l’augmentation du trafic correspond avec une hausse de l’adhésion à leur cause… Un concert secret aurait d’ailleurs été donné récemment dans les environs de Québec, alimentant la perception que ces groupes ont une existence réelle et qu’ils sont en croissance.
Le néonazisme
Comme bien d’autres, j’ai toujours cru que le néonazisme était une problématique surtout européenne. En marge de l’actualité, il y a toujours un groupuscule quelque part qui se manifeste en affichant des convictions racistes de la suprématie des blancs et sur les moyens pour assurer leur domination sur toutes les autres « races », allant jusqu’à prôner leur extermination (pour « achever le travail » commencé par Hitler). La fusillade en Norvège de l’an dernier va un peu dans cette direction.
Heureusement, ces factions sont toujours relativement surveillées et les lois encadrant les discours haineux les empêchent de pouvoir disposer d’un droit la liberté d’expression. La conséquence en est que ces groupes doivent composer avec un mode de vie sous-terrain, mystérieux, secret. Pour une personne déjà un peu marginale, à tendance paranoïde, ce côté underground peut exercer un pouvoir d’attraction. En se regroupant, ces personnes voient leur fiel individuel grandir en haine collective. Pour les repérer, j’ai trouvé un répertoire des symboles néonazis qui se révèle très éclairant, notamment par l’emploi de nombres qui réfèrent explicitement, quand on le sait bien sûr, à des appartenances clairement néonazies.
Au Québec
Pour qu’un site internet comme Québec Fachowatch se mette en ligne afin de démasquer les groupes haineux, il est probable que c’est parce que tels groupes existent réellement sur le sol de notre « nation distincte », à moins que là aussi, ce ne soit qu’une autre forme de paranoïa, je ne sais plus trop! Ce blogue d’opinions et d’informations explique que les néonazis auraient pris un virage majeur dans leur mode de communications afin de semer la confusion. En jouant la carte nationaliste et identitaire, ils véhiculeraient des idées que plusieurs trouvent acceptables, mais qui cachent en réalité leur véritable combat. Québec Fachowatch donne en exemple la Fédération des Québécois de souche qui sèmerait la confusion quant à ses véritables intentions racistes derrière un sentiment identitaire. Il faut dire que de nombreux Québécois d’origine canadienne-française sont sensibles à l’impression de perdre leur statut de majorité culturelle incluant leur héritage religieux, au profit des nouveaux arrivants à qui on concéderait tout avec les fameux accommodements raisonnables.
Dans un échange avec un autre contact sur Twitter, ce dernier affirmait qu’il y avait certainement des sympathisants au Saguenay-Lac-St-Jean de ce genre de dérive identitaire. J’ai douté. Mais je découvre sur une page Youtube un commentaire d’un fan du groupe Dernier Guerrier qui vient bel et bien de ma région :
coliss que c bon tabarnak88!!!!!
si vous faite des chow prevené nous saguenay vous suportes.
khariboux
En passant, le « 88 » est une référence directe au fameux « Heil Hitler », ce qui rend le commentaire encore plus explicite pour ceux qui fréquentent la mouvance néonazie. Je ne connais pas ce khariboux, mais visiblement il apprécie la prose de Dernier Guerrier et semble croire, dans son enthousiasme, que tout le Saguenay est derrière le groupe ! Et voilà que je tombe sur un blogue intitulé « Nationalistes du Saguenay » qui présente un discours très zen contre l’immigration et qui se rattache à des organisations dénoncées par Québec Fachowatch.
Dénoncer l’intolérance
Ils nous en ont déjà assez pris, nous ne les laisserons pas nous en prendre davantage. (Légion Nationale, Discours sur les Plaines d’Abraham)
La peur de perdre est un moteur qui conduit naturellement à la haine. Je ne peux concevoir d’autres motivations primaires que la peur pour m’expliquer les regroupements qui veulent en finir avec l’immigration. Que l’immigration soit mal gérée, que l’intégration ne soit pas une réussite, cela est assez juste. La seule différence entre Montréal et le reste du Québec montre bien à quel point il y a comme une frontière infranchissable aux communautés culturelles qui voudraient s’établir en régions. Pourtant, il existe des cas de réussites exemplaires. Ceci dit, ce n’est pas parce qu’on ne sait pas bien encore gérer l’immigration que celle-ci devrait être proscrite et que les immigrants eux-mêmes devraient être considérés comme des citoyens de seconde zone (ce qui est malheureusement souvent le cas). Intégrer, c’est faire nôtre. Ce n’est pas mettre dans un enclos et n’accorder que des concessions mineures par esprit charitable!
En général, c’est souvent parce que nous n’avons pas eu d’occasion de fréquenter d’autres cultures et groupes ethniques que nous en avons peur, car dès que nous nous mettons en relations avec une véritable intention de connaître et de découvrir les valeurs des uns et des autres, nous en arrivons plutôt à comprendre que nous nous enrichissons mutuellement. C’est mon expérience. Je ne peux donc pas souscrire à l’idée d’un repli identitaire. Mes amis africains, asiatiques, maghrébins ne m’inspirent aucune peur. Au contraire, en les fréquentant, je comprends mieux mes différences et je les assume encore mieux. Je vois d’où me viennent certaines réactions. J’en arrive à plonger dans mon histoire personnelle et collective afin de saisir la logique de mes choix, mes comportements stéréotypés, mes valeurs, mes croyances. En rentrant ainsi dans ma propre culture, je m’ouvre davantage à celle des autres dont j’apprécie tant les ressemblances que les différences. Oh! Il y a bien des choses qui me surprennent, d’autres qui parfois me choquent. Mais si j’ai établi une relation authentique, il m’est alors permis d’en discuter et d’interpeller dans la réciprocité. C’est alors que se produit une chose extraordinaire: je me transforme en un être humain meilleur que celui que j’étais avant ces rencontres. Et l’autre aussi. Pourquoi avoir peur? Pourquoi haïr? Pourquoi vouloir détruire ce qui peut nous humaniser?
Des liens à explorer :
– Fédération des Québécois de souche et une vidéo sur Youtube qui témoigne de son combat.
– J’ajoute un lien aimablement fourni par Natalia Trouiller : http://www.stormfront.org/forum/f203/
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