Il me semble que le thème revient sans cesse dans les médias depuis quelques années. Il y a David Fortin, toujours en cavale on ne sait où. Il y a Jasmin Roy qui a bâti une fondation pour combattre l’intimidation. Il y a dans l’actualité de cette semaine au moins deux cas qui ont profondément choqué les consciences, Jade et Marjorie. La première revient comme un fantôme. En avril dernier, Jade a produit une vidéo silencieuse dans laquelle elle présente un message écrit sur plusieurs feuilles qu’elle montre l’une à la suite de l’autre, pour nous permettre d’entrer dans son histoire et sa détresse. La vidéo dit que Jade a mis fin à sa vie trois jours après l’avoir publiée. L’autre adolescente médiatisée est Marjorie. N’en pouvant plus du harcèlement dont elle faisait l’objet, elle a décidé de mettre un terme à sa vie après avoir écrit une lettre d’adieu à sa mère et ses proches. Deux histoires semblables, une fin identique.
Je m’inquiète de voir à quel point la solution finale semble désormais la voie de salut retenue de plus en plus par ces adolescents qui ne voient plus d’autres espoirs et se laissent séduire par l’idée du suicide. Je m’indigne, bien entendu, comme toutes les voix qui se sont fait entendre sur ces situations nombreuses et qui ne cessent de se reproduire. Je dis NON! moi aussi à l’intimidation, mais je reste comme tant d’autres sans moyens.
Mon fils de six ans a déjà commencé à subir l’intimidation, dans l’autobus, paraît-il. Il se révolte. Il a commencé à frappé les copains. Il ne discerne plus déjà qui est ami et qui est ennemi. Il ne prend pas de chance, il frappe indistinctement. Sa violence s’étend maintenant aux activités sportives auxquelles il participe. Tout petit, il sème la peur. L’école commence à réagir. Les parents sont vite interpellés dans des situations comme celle-ci. Il faut l’arrêter d’agir, l’empêcher de réagir… Mais la vraie question est ailleurs : comment se fait-il qu’il doive user de violence, à un âge si hâtif?
Si nous ne parvenons pas dès à présent à agir pour l’aider à développer des relations positives avec ses pairs, qu’en sera-t-il quand il aura 12, 14, 15 ans ? Je suis persuadé que bien des parents vivent avec cette question.
Faire face à l’adversité
Il y a aussi le jeune Maxime, qui, l’an dernier, a choisi de réagir autrement au harcèlement dont il était victime. Il a même réussi le pari d’alerter les médias et d’organiser une marche qui a rassemblé 300 personnes. Comment a-t-il pu trouver la force et le courage de s’opposer de telle façon à l’intimidation ? C’est comme pour le viol ou toute forme d’agression, il semble que nous ne soyons pas égaux devant de tels affronts. Certaines femmes, rares, vont affronter leur agresseur, mais une majorité finit par être paralysée par la peur. La peur…
Est-ce que je veux vivre dans un monde de peur ? Certains diront : « il faut que les jeunes apprennent à se faire respecter. C’est normal que des jeunes se lancent des insultes. Nous avons subi cela aussi. » Il y a une part de vrai dans cela. Ne jamais être confronté à l’adversité, ne jamais être parvenu à faire reculer l’agresseur par une attitude ferme, peut ne pas avoir préparé l’enfant, l’ado, l’adulte, même, à faire face à l’agression, au harcèlement. Tous n’ont pas cette capacité de réagir, de dire non et de se faire respecter. Je ne crois pas qu’on puisse simplement renvoyer la personne à sa propre capacité ou au courage qu’elle n’a pas…
Accompagner, encore et encore…
J’ai participé à une conférence de Jacques Brodeur, avec d’autres parents de l’école fréquentée par mes enfants. Celui-ci affichait la conviction de pouvoir régler définitivement la question de l’intimidation et du harcèlement. Il proposait des pistes concrètes. Nous étions tous emballés par sa démarche qui nécessite la contribution de tout le personnel scolaire et la participation active des parents. J’ai demandé à ce que l’école embarque dans sa démarche. On m’a simplement répondu qu’il y avait déjà un programme pour contrer l’intimidation… Pourtant, mon fils en subit, d’autres aussi. Il y aurait une cinquantaine d’enfants, surtout des filles, qui présentent une estime de soi déficiente dans cette école. Nous espérons qu’à la fin de l’année, nous aurons atteint 10% de résultats positifs. En clair, cela signifie que 5 élèves auront une meilleure estime de soi… Vous trouvez cela suffisant, vous ? « Ce sont les normes de la commission scolaire », qu’on m’a répondu quand j’ai interrogé cet objectif. Croyez-vous que c’est comme ça qu’on va régler son cas à l’intimidation?
Il n’y a pas de solution unique. Il y aura malheureusement bien d’autres cas comme ceux de Jade et Marjorie. C’est dans l’air. Les jeunes y voient une lueur. Mais j’espère qu’il y aura aussi un plus grand nombre de Maxime. Et il y a surtout l’importance d’être là, nous, les adultes, auprès de chacun de ces enfants. Il faut opposer au harceleur une force supérieure, lui faire plus peur à lui qu’il n’en cause aux autres. C’était le conseil reçu d’un psychiatre, il y a quelques années, pour une situation dans l’organisme que je dirigeais. Peut-être est-il temps de commencer à brandir le bâton, quand la carotte ne suffit plus ?
Personnellement, je vais rappeler à mon école la proposition d’Edupax et de Jacques Brodeur. Je vais insister pour que des mesures concrètes soient mises en place. Je voudrais que mon fils se comporte en Maxime. Je vais en faire mon objectif et l’accompagner pour qu’il en soit ainsi. Voilà ma solution. Quelle est la vôtre?
Comment réagissez-vous ?