11 novembre: « Garder la foi »

au-champ-dhonneurLe 11 novembre, c’est le jour où nous faisons notre devoir de mémoire un peu partout sur terre. Nous nous souvenons de nos valeureux combattants qui sont tombés en défendant notre pays, nos valeurs, notre mode de vie, par dessus tout notre liberté. Le 11 novembre, c’est le jour de l’année où l’on entend se faire redire partout: « Plus jamais la guerre! » C’est le jour où nous sommes le plus près d’un consensus, en pensée, pour que ce souhait devienne réalité. C’est surtout le jour où nous « gardons la foi avec toutes les personnes décédées » (cf. Moina Michael, instigatrice du coquelicot comme symbole du souvenir lors de la Première guerre mondiale).

Cette année a ceci de particulier que deux soldats sont morts récemment alors qu’ils n’étaient pas en situation de se battre pour notre pays. Ils étaient l’un en pause, l’autre en faction devant le cénotaphe du souvenir à Ottawa. Les deux ont toutefois été visés parce qu’ils étaient soldats, parce qu’ils représentaient l’État canadien engagé récemment dans une nouvelle guerre au Moyen-Orient. La mort de ces deux soldats a sans doute réveillé le sentiment patriotique des Canadiens en les invitant à réfléchir sur le sens de ces vies enlevées.

« Le goût de vivre en liberté »

Dans le poème de John McCrae, à l’origine du choix du coquelicot comme emblème du souvenir, on trouve cette exhortation: « À vous jeunes désabusés à vous de porter l’oriflamme et de garder au fond de l’âme le goût de vivre en liberté ». Dans le contexte qui est le nôtre actuellement, alors qu’une nouvelle guerre froide est sur le point d’être lancée, que l’État islamique (Daesh) menace l’Occident en exhibant ses décapitations barbares et qu’il s’en prend à tout ce qui n’est pas d’obédience musulmane, comment pourrions-nous interpréter ce message que tout soldat ayant combattu dans une guerre pourrait adresser à notre jeunesse? Comment envisager la lutte pour la liberté?

Après la Grande Guerre, il y en eut une deuxième tout aussi sanglante. Les États du monde se sont réunis en Société des Nations devenue plus tard l’Organisation des Nations unies (ONU). Cette instance a pour but de mettre en commun les défis des peuples du monde, cherchant ensemble à accomplir le bien de l’humanité et à garder la paix. Mais L’ONU n’a pas pu empêcher la Guerre froide et les guerres comme celles de Corée et du Vietnam, ni celles qui se succèdent au Proche-Orient depuis la création de l’État d’Israël, ni celles qui ont cours en Afrique depuis la décolonisation, ni celles du Koweit, d’Irak et d’Afghanistan! Et maintenant, l’ONU paraît démunie pour stopper le régime dictatorial sanguinaire en Syrie ou les ambitions de domination de la Russie dans l’est de l’Europe. Et elle est loin de pouvoir endiguer les revendications de Daesh sur les territoires de la Syrie et de l’Irak. Face à cette impuissance, les États-Unis et d’autres pays ont cherché à utiliser l’OTAN comme deuxième choix pour défendre leurs intérêts. Même de ce côté, le ralliement a failli à quelques reprises de sorte qu’on ne parle plus que de « coalitions » de pays qui vont bombarder sans caution des régions ciblées en vue de réduire la menace terroriste sur leurs propres territoires. Bref, il va de soi que notre monde n’est pas plus en sécurité aujourd’hui qu’à la première commémoration mondiale du Souvenir, le 11 novembre 1921!

« Garder la foi »

Moina Michael était une simple employée de l’American Oversees YMCA en 1915. À la lecture du poème de John McCrae, elle fut convaincue qu’il fallait faire quelque chose. «Dans un moment fort de résolution, j’ai pris l’engagement de garder la foi et de toujours porter un coquelicot rouge des champs de Flandre comme symbole du Souvenir afin de servir d’emblème et de «Garder la foi avec toutes les personnes décédées». (cf. museedelaguerre.ca). Ce fut en quelque sorte sa réponse au cri du soldat mourant dans les champs fleuris de coquelicots, pas tant de porter l’oriflamme de la guerre, mais celui de la foi.

Avoir foi, c’est avoir confiance, c’est nourrir l’espérance! Devant l’état du monde, quelle est votre propre espérance? La mienne est plutôt faible. C’est la raison pour laquelle il faut cesser de répéter les mêmes actions qui conduisent aux mêmes résultats. C’est comme en informatique, on peut bien essayer de cliquer toujours sur le même bouton en espérant un autre résultat, mais celui-ci est programmé pour réaliser une seule action. Or il semble que le coquelicot rouge que l’on arbore chaque année, s’il nous aide à nous souvenir des civils et militaires morts de la guerre, ne nous aide pas à réorienter nos politiques vers de plus grands efforts de paix.

Le mouvement Échec à la guerre tente depuis quelques années de favoriser le port du coquelicot blanc, symbole voulant respecter la mémoire des personnes décédées au cours de guerres, mais plus encore encourager la détermination à accomplir des actions en faveur de la paix. Le Canada, depuis le 11 septembre 2001, a malheureusement pris une orientation plus active en matière de participation aux guerres plutôt que de pacification par les moyens diplomatiques et par des forces de paix qui avaient fait sa réputation. Même si le monde a changé, il est faux de prétendre que seules les bombes peuvent le rendre plus sécuritaire. Le seul souvenir qui pourrait rester dans quelques décennies pourrait être celui de l’échec lamentable des peuples à faire la paix.

Chaque fois que nous créons en nous-mêmes et autour de nous un espace où règne la paix, cela nous montre que c’est possible. Il importe d’agrandir les cercles de paix et d’espérer contre toute attente. « Garder la foi », c’est se battre aux côtés des artisans de paix pour éviter à tout prix les pertes de vies, en faisant cesser les humiliations de toutes sortes qui engendrent la haine. C’est aussi accepter de changer notre mode de vie. Nous sommes tous et toutes les habitants d’une terre qui se montre généreuse et prodigue, mais nous ne pouvons plus vivre comme si un quart de l’humanité avait le droit de s’arroger l’ensemble des ressources destinées à la disposition de tous! Il est urgent de changer de vie pour que  les souvenirs douloureux rappelés le 11 novembre deviennent véritablement sources d’espoir pour tous les humains, sans exception. Plus jamais la guerre? Qu’attendons-nous pour être artisans de paix?

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