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Le visage du principal organisme catholique canadien de développement international – qui jouit à la fois de dons des fidèles et de fonds publics – vient de changer radicalement sans que ni la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC) ni Développement et Paix (DP) lui-même ne s’en expliquent.
Au terme d’un obscur processus de révision de 63 des partenaires de DP, le couperet est tombé sur 24 d’entre eux, tandis que l’entente avec 19 autres n’a simplement pas été renouvelée. Ainsi, 43 organismes de bienfaisance sur les 63 enquêtés n’ont pas pu convaincre le sanhédrin des évêques canadiens de leur parfaite conformité avec les positions morales de l’Église.
Pour ces évêques, malgré le caractère douteux des dénonciations qui ont enclenché ce processus, ces partenaires de longue date ne figurent plus désormais comme des groupes admissibles à l’aide financière catholique. Que leur reprochait-on? Grâce à des lanceurs d’alerte, nous savons que les soupçons portaient sur des questions de nature sexuelle, dont la santé reproductive, l’identité sexuelle et le féminisme.
Qu’un organisme catholique ne veuille pas soutenir – disons – l’avortement, ça semble aller de soi. Mais encore faudrait-il démontrer que le partenaire visé le faisait. Comme l’enquête a été menée de manière confidentielle, le délestage unilatéral s’est fait sans que personne ne sache précisément ce qui était reproché aux partenaires examinés. Difficile dans un tel contexte de ne pas évoquer une sorte d’épuration idéologique guidée par une radicalisation religieuse inquiétante.
Une vision en tunnel
Inquiétante, elle l’est si l’on se reporte à l’enseignement social de l’Église. Depuis Rerum Novarum (Léon XIII, 1891), l’analyse du magistère romain n’a cessé de s’élargir pour englober des enjeux socio-économiques et éthiques. Cette doctrine appelle les États et leurs chefs, les religions et leurs guides, les chrétiens et tous les humains à se responsabiliser en vue d’un engagement commun pour le développement et la paix. Le pape François a poursuivi dans cette voie en prônant une écologie intégrale et en soulignant les liens entre les inégalités sociales, les changements climatiques et l’avenir de notre maison commune.
Le contraste est frappant avec le retour annoncé par DP et la CECC à une forme de charité qui se limite à soulager les urgences et mettant au second plan l’indispensable soutien, en respectant le principe de subsidiarité, aux organisations locales dans leurs luttes pour réduire les causes qui engendrent l’injustice et la misère.
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