(CNS photo/David Swanson, Reuters)
L’élection américaine s’est achevée par une victoire longuement attendue de Joe Biden, après des jours de décomptes qui ont prêté le flanc à toutes les contestations que l’enfant-roi déchu et sa cour pouvaient imaginer pour éviter la défaite selon les règles. Malgré l’incertitude d’une transition qui s’annonce difficile, nous sommes mûrs pour retrouver le goût de croire que la politique peut redevenir un champ d’espérance à cultiver.
Les spécialistes des États-Unis le disent depuis longtemps: cette nation est profondément divisée. On peut même dire qu’elle n’a jamais connu de véritable unification. S’il y a quelques idées forces qui unissent ce peuple, c’est sans doute dans sa vision économique libérale alimentée par le rêve américain, une liberté dégagée de toute entrave, mais plus encore le patriotisme associé au fait d’être la première puissance mondiale. C’est d’ailleurs dans les guerres que ce peuple a pu faire l’expérience de son unité, même si une minorité de plus en plus importante trouve le courage de dénoncer ses engagements militaires.
S’il est, enfin, une image qui rassemble passablement les Américains, c’est celle du mâle exalté à la John Wayne que Donald Trump aimerait bien incarner. Mais le spectacle de sa déchéance, en particulier son premier discours après l’élection où il s’est montré comme le pire des mauvais perdants, terminant le dos courbé, l’air abattu, sera peut-être ce qui demeurera dans les esprits de ses sympathisants les plus envoûtés.
La fracture s’étend aussi au monde religieux.
Il me semble n’avoir jamais été témoin d’une aussi grande partisanerie des chrétiens, en partant de la base jusqu’aux leaders les plus en vue. S’il nous est plus habituel de voir les preachers se lancer en croisades pour les républicains, le nombre de représentants catholiques à s’être investis dans cette campagne paraît indigne de leur position. Des religieuses attroupées, des prêtres militants et même plusieurs évêques ont rompu leur devoir de réserve pour s’afficher franchement du côté du sauveur de tous les fœtus qui seraient conçus après cette élection. Et c’est sans compter la contribution de l’ex-nonce aux États-Unis, Carlo Maria Vigano, à voir dans Trump celui qui pourrait libérer le monde de l’«État profond» (deep state) qui ne serait rien d’autre que l’œuvre de Satan!
Une telle compromission va à l’encontre de l’enseignement social de l’Église qui interdit à son clergé toute forme de militance politique. Aucun parti n’a jamais pleinement présenté et encore moins réalisé un programme totalement en accord avec la doctrine catholique. L’art du politique est de faire des compromis. C’est pourquoi ni le pape ni les évêques ne sont autorisés à faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Vous me direz qu’à l’époque de Duplessis, le bleu et le rouge étaient particulièrement marqués ici aussi. Mais le clergé québécois n’était pas plus en ligne avec la position de neutralité officielle exigée pour leur office.
Ces quatre années de débordements de la part d’un narcissique mégalomane ont plongé son pays dans des turpitudes qui auraient été inimaginables chez tous ses prédécesseurs. Pourtant, Donald Trump n’est pas l’inventeur du trumpisme.
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