Le cardinal Robert Sarah photographié au Vatican en octobre 2019. (CNS Photo/Paul Haring)
La récente saga du livre «coécrit» par le cardinal Robert Sarah et le pape émérite Benoît XVI à propos du célibat des prêtres en a laissé plus d’un perplexe. Le pape retraité a-t-il été utilisé par le cardinal dans ce qui apparaît comme une nouvelle fronde des milieux ultra-conservateurs pour empêcher une adaptation disciplinaire de l’Église? Ou au contraire, s’agirait-il du cardinal lui-même qui serait instrumentalisé par ce courant, ses hauts ténors voyant en lui un futur pape plus en ligne avec leurs postures dogmatiques?
L’événement fait des vagues et le livre, publié en français le 15 janvier connait un succès immédiat. Le pape émérite avait-il ou non donné son accord pour être désigné comme coauteur? Le cardinal a-t-il extrapolé l’accord de ce dernier lorsque ce dernier lui a livré son «article»? Les «preuves» qu’il a publiées le desservent-elles plus qu’elles ne l’honorent? Visiblement, c’est une question d’interprétation… Mais cela contribue à accroître la présence déjà très médiatisée du cardinal guinéen, nommé, en novembre 2014, préfet de la Congrégation pour le culte divin… donc par François!
Héraut de la « grande Tradition »
L’ensemble de l’Église vit actuellement un grand déplacement de son centre de gravité. Essentiellement européenne jusqu’à l’aube du XXIe siècle, même ses ramifications en Amérique et en Océanie demeurent le reflet du catholicisme qui s’est construit surtout depuis la Contre-Réforme au XVIe siècle. Une grande partie des évêques et des cardinaux de la planète ont été formés à Rome, dans des universités qui constituent le socle «génétique» de la transmission théologique et culturelle de l’Europe. C’est le cas notamment pour ceux d’Afrique et d’Asie, là où l’augmentation des baptisés continue de se faire à un rythme qui dépasse toutes les autres régions du monde.
Le cardinal Sarah est l’un de ces bénéficiaires des Églises émergentes dont l’éducation a été prodiguée en Europe, d’abord en France, puis à Rome de 1969 à 1974, et ensuite à Jérusalem, ce qui en fait un homme bien connu des hautes sphères ecclésiales. Créé cardinal par Benoît XVI en 2010, il a occupé des postes qui l’ont rendu visible et sans doute incontournable par François. Sa nomination à la Congrégation pour le culte divin en 2014, entouré d’«hommes du pape», pourrait avoir été une forme de mise sous tutelle. C’est donc par l’écriture que le cardinal a poursuivi son chemin, publiant successivement Dieu ou rien: entretien sur la foi (2015); La force du silence: contre la dictature du bruit (2016); Le soir approche et déjà le jour baisse (2019) et ce fameux Des profondeurs de nos cœurs qu’il affirme, malgré le déni de Benoît XVI, avoir coécrit avec ce dernier.
La première polémique avec le pape François a commencé dès 2010 alors qu’il s’oppose à l’immigration massive en Europe, allant jusqu’à prédire au Figaro, en 2016,
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