Photo: Présence/Philippe Vaillancourt
Elle est donc adoptée, la loi qui doit régler «définitivement» la question de la laïcité au Québec. Bienvenue dans un monde de délation dont les conséquences dépassent largement le cadre de la loi 21.
Nous pourrions espérer que cette loi produira l’effet recherché, à savoir l’apaisement des tensions autour de la laïcité de l’État et la présomption de neutralité de ses représentants. Mais les difficultés pointées dans le texte du projet de loi n’ont pas été aplanies avec son adoption. Avec l’amendement sur la définition d’un signe religieux, il pourrait même s’en être ajoutées.
Revenons d’ailleurs à cette définition: «Tout objet […] sera considéré comme étant un « signe religieux » s’il est porté « en lien avec une conviction ou une croyance religieuse », ou s’il est «raisonnablement considéré comme faisant référence à une appartenance religieuse.»
Le jour même où cet amendement fut proposé au projet de loi 21, une simple question est venue embarrasser le gouvernement: que dire des alliances de mariage, lorsque celui-ci est contracté religieusement? La question peut paraître idiote. Personne, jusqu’ici, n’a jamais réellement qualifié l’anneau porté à son annulaire gauche de «signe religieux». Mais la définition insérée dans la loi engendre cette possible confusion. Ainsi, elle encouragerait à revoir la signification «portée» (selon la conviction de la personne) ou «considérée» (comme une référence reconnue) de tout ce que les gens portent sur eux!
Si le premier ministre a pu juger qu’il ne fallait pas entrer dans les détails, on pourrait lui rappeler cette maxime: «le diable est dans les détails».
Il en résultera une cacophonie de significations et une course aux «autorités» religieuses à qui l’on donnerait le pouvoir de trancher. Mais avec la loi 21, l’État se donne à lui-même cette autorité, ce qui revient à contredire l’obligation de neutralité qui vient avec la laïcité. Plus encore, c’est la suspicion des citoyens les uns par rapport aux autres qui risque de s’aggraver.
Des tribunaux à la rue
Prenons le cas des femmes qui portent le foulard. Un grand nombre n’y accordent pas de signification spécifiquement religieuse. Or, s’il est «considéré raisonnablement» tel (et par qui?), elles ne pourront plus le porter si elles veulent obtenir un poste parmi ceux spécifiés dans la loi. Tout le problème réside dans la détermination du sens. […]
Comment réagissez-vous ?