En ce mois de septembre où nous « fêtons » le travail, il est bon de nous rappeler l’engagement de chrétiens, dans la foulée de l’enseignement social de l’Église, à rendre le travail plus humain. L’histoire nous éclaire sur les conditions scandaleuses des travailleurs dans les différentes industries avant les unions syndicales et avant le développement d’une certaine conscience collective. Or, malgré les nombreuses améliorations au cours du dernier siècle, il n’en reste pas moins qu’il est de plus en plus difficile de garder l’être humain au premier plan dans ce monde où l’argent domine.
En tant que chef syndical, Michel Chartrand était en phase avec des intuitions de l’Évangile :
Bâtir, parachever la Création, rendre la vie plus humaine aux hommes, voilà le christianisme […] Personnellement, je crois à la valeur du christianisme. […] Ce que je trouve sympathique chez le Christ, c’est l’homme. L’humain est accessible à ma compréhension. Et je suis prêt à servir la cause de l’homme d’une façon active, dynamique. (La colère du juste, pp. 35-36).
En certains milieux catholiques, on a tendance à juger le caractère révolutionnaire de Chartrand et des gens comme lui. Mais le pape François a déclaré, en juin 2013 : « Aujourd’hui, un chrétien s’il n’est pas révolutionnaire n’est pas chrétien ! »
Le pape ne fait que reprendre la doctrine sociale de l’Église tirée des encycliques de ses prédécesseurs. Léon XIII avait plaidé en faveur de la classe ouvrière en 1891. En 1931, Pie XI s’est attaqué au monde financier et à la tyrannie des marchés. Il fut extrêmement sévère à leur égard lors de la crise de 1929 et qui, sans remède, n’a cessé de se répéter. En 1991, Jean-Paul II avait dénoncé la déshumanisation provoquée par les excès du capitalisme. Et Benoît XVI a renouvelé ces avertissements en 2009.
Michel Chartrand avec son langage coloré, a œuvré en droite ligne avec le prophétisme biblique : « Le système capitaliste est fondé sur la violence et il engendre nécessairement la violence. » (Point de mire, août 1970). Comme lui, le pape François « a fustigé […] le capitalisme sauvage qui a provoqué la crise actuelle. […] [et] qui a introduit la logique du profit coûte que coûte, du donner pour obtenir, de l’exploitation au détriment des personnes. […] Nous devons tous retrouver le sens du don, de la gratuité et de la solidarité. » (Le Point, mars 2013)
Aujourd’hui encore, avec la mondialisation des marchés, nous consommons chaque jour des objets produits dans des conditions inhumaines. Les politiques accordent toujours plus d’avantages aux marchés et aux multinationales aux dépens des travailleurs. Plus que jamais, la révolution de l’Évangile, qui met la dignité de l’être humain à l’avant-plan, doit être mise en œuvre sans attente par tous les croyants.
L’Église est obligée de revenir à l’Évangile. Quand elle le fera, quand elle-même aura connu les difficultés que vivent les gens, elle saura considérer leurs problèmes et aider à les régler. Et alors, les hommes reconnaîtront l’Évangile, alors seulement les gens reconnaîtront aussi l’Église du Christ, le message du Christ. (Michel Chartrand, La colère du juste, p. 35)
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* Ce texte est le 40e article de la série “En quête de foi”, publié dans l’édition de septembre 2016 du Messager de Saint-Antoine. L’objectif de cette série est d’explorer les éléments de la tradition chrétienne dont les traces sont toujours perceptibles dans la culture actuelle. Les destinataires de cette série sont des gens bien enracinés dans l’Église catholique.
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