
Il m’arrive de ressentir en même temps la gratitude et l’inquiétude, en particulier lorsqu’il est question de mes biens matériels : maison bien équipée avec plomberie, chauffe-eau, circuits électriques, chauffage, toiture, appareils ménagers, de divertissement, etc. Oui, je me sens dans l’action de grâce pour toutes ces choses.
Mais il m’est fréquent d’avoir des frissons à l’idée d’un éventuel sinistre : canalisation qui éclate ou infiltration d’eau au printemps, congélateur en panne ou encore sécheuse qui prend feu! Une telle avarie m’est arrivée cet hiver, comme pour me convaincre de nourrir ma peur!
La misère des riches
Même avec un revenu familial au plus bas de la classe moyenne, ma situation figure bien au-dessus de la majorité de la planète. Comme la plupart des Canadiens, je fais partie des riches, car les petits soucis qui viennent de ce que nous avons sont l’attribut des gens qui possèdent.
J’ai plusieurs amis qui vivent en Afrique. Nous échangeons via l’internet. Nos vies sont à l’opposé. La plupart d’entre eux ne possèdent à peu près rien. Leurs maisons, qui n’ont pas le huitième de la dimension de la mienne, sont assemblées avec des matériaux que je rejetterais pour mon cabanon! Et ils sont plus nombreux à y habiter. Pourtant, mes amis sont remplis d’action de grâce. Leur inquiétude est de trouver chaque jour le pain qui les nourrira.
Je les vois vivre à leur manière. Ils me voient vivre à la nôtre. Chaque fois, je me dis que cela doit être trop dur pour eux de constater notre vie confortable. Mais ils aiment découvrir notre mode de vie. Ce n’est pas réciproque, car je déteste l’image que leur vie me renvoie.
La misère, point
Récemment, un ami africain a vu sa maison rasée à la suite d’un incendie. Le jeune homme venait tout juste d’emménager après s’être marié. Il formait le projet d’être heureux, comme n’importe quelle famille sur terre. Mais en l’espace d’une nuit le couple a tout perdu, après une succession d’événements plus graves les uns que les autres dont une fausse couche qui a failli emporter la jeune femme, un arbre gigantesque qui s’est abattu sur la plantation voisine, mon ami ayant échappé de justesse à la prison grâce à la médiation des sages. Par nos échanges, je suis à même de constater chaque jour qu’il y a des Lazare, pauvres, malades et victimes des inégalités que nous aggravons par notre mode de vie; et il a les riches « sans nom » comme nous qui, malgré des revenus plusieurs dizaines de fois supérieurs, ont tout engagé dans leurs propriétés, voitures et autres biens de consommation, et se sont endettés plus que ne le permettent leurs moyens. De cette façon, il ne reste plus rien à partager…
Si ma foi me fait me tourner sans cesse vers Dieu, le tout miséricordieux, c’est pour implorer son pardon d’être comme le riche donné en exemple par Jésus. Mon espérance est ébranlée par tant de misère. Le printemps est là, et comme j’aimerais que l’espérance qu’il transporte soit la même pour tous! Mais où trouver la foi pour faire bouger cette montagne d’indifférence?
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* Il s’agit de mon 37e article de la série “En quête de foi”, publié dans l’édition de mai 2016 du Messager de Saint-Antoine. L’objectif de cette série est d’explorer les éléments de la tradition chrétienne dont les traces sont toujours perceptibles dans la culture actuelle. Les destinataires de cette série sont des gens bien enracinés dans l’Église catholique.
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