Dans la foulée des coupes massives dans les différents services gouvernementaux effectuées depuis l’élection de l’actuel gouvernement du Québec, nous avons pu regarder et lire des reportages qui montrent des impacts réels de ces politiques sur le filet social de notre société. Après les centres de désintoxication, dont les représentations ont permis un certain recul du gouvernement, les ressources en santé mentale et en déficience intellectuelle se sont mises à leur tour à crier « au secours » !
J’ai été particulièrement touché par un reportage vidéo d’un grand quotidien national. On y voit une femme, propriétaire d’une ressource intermédiaire ayant la garde de trois adultes avec des handicaps sévères et qui présente l’un d’eux pour montrer le type d’accompagnement qu’accomplissent des gens comme elle. Nul besoin de vous faire un dessin pour que vous compreniez que la très vaste majorité des citoyens de notre beau pays ne ferait pas la moitié de ce que cette femme et tant d’autres comme elle font « en notre nom ».
Une fonction vitale
Les personnes qui s’engagent dans des services aux personnes démunies, appauvries, à la santé mentale fragile ou vivant avec des handicaps intellectuels ou physiques sévères le font le plus souvent par grandeur d’âme. C’est du moins l’impulsion à la base de leur engagement, mais celle-ci se transforme peu à peu. Si pour certaines, la dimension professionnelle ou monétaire prend le dessus, la majorité, au contraire, prend peu à peu conscience que l’autre ne se réduit jamais à son besoin d’être aidé. En effet, il naît progressivement une mutualité dans la relation qui permet à la personne aidante de se laisser toucher au cœur de sa fragilité. Et lorsque deux vulnérabilités se rencontrent, il en résulte un sentiment d’être conduit au lieu le plus profond de notre être, celui où réside notre moi authentique.
C’est aussi là que se donne à rencontrer Jésus lui-même, car c’est bien de ceux-là dont il parle lorsque il mentionne « l’un de ces plus petits de mes frères » (Mt 25, 40).
Les ressources intermédiaires ont été créées pour permettre aux personnes les plus fragiles de notre société d’être mieux intégrées tout en étant protégées. C’est un juste milieu entre l’institution, souvent impersonnelle où les usagers deviennent les « bénéficiaires » pris en charge par du personnel professionnel, et la famille d’accueil qui permet une vie quotidienne plus « normalisée » à ses résidents.
Une société qui pousse les responsables des ressources intermédiaires à réduire considérablement la qualité de leurs services, voire les contraindre à fermer, se condamnerait elle-même à régresser dans l’échelle de son humanité.
Nous avons besoin de soutenir les personnes et les groupes qui cherchent à donner une vie meilleure à nos frères et nos sœurs les plus fragiles. Lorsque vient le temps de faire des coupures dans le budget de l’État, les chrétiens et les chrétiennes devraient se lever, convaincus que leur foi les pousse à revendiquer les meilleures voies d’humanisation plutôt que la froideur de l’austérité.
* Il s’agit de mon 36e article de la série “En quête de foi”, publié dans l’édition d’avril 2016 du Messager de Saint-Antoine. L’objectif de cette série est d’explorer les éléments de la tradition chrétienne dont les traces sont toujours perceptibles dans la culture actuelle. Les destinataires de cette série sont des gens bien enracinés dans l’Église catholique.
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