Miséricorde: une année pour quoi?

porte_sainte_medaille_miraculeuseL’année de la Miséricorde est commencée depuis le 8 décembre. Des « portes saintes » s’ouvrent dans tous les diocèses du monde catholique (1,2 milliard de baptisés). Église sainte, année sainte, portes saintes… Comment pouvons-nous croire qu’un autre Jubilé puisse produire cette fois-ci de vrais fruits spirituels qui témoignent vraiment de la présence active de Dieu dans l’Église et dans le monde ?

Peu d’entre nous doivent se rappeler de la dernière année sainte, commémorant l’entrée dans le troisième millénaire (le grand Jubilé de l’an 2000). Les ambitions de ce Jubilé étaient nombreuses : « comme une invitation à la célébration de noces »; « comme un chemin de réconciliation et comme un signe d’espérance authentique »; visant « la purification de la mémoire […] pour reconnaître les fautes commises par ceux qui ont porté et portent le nom de chrétien »; pour «  créer une nouvelle culture de solidarité et de coopération internationales ». Quinze ans plus tard, l’Église bataille encore à se sortir des nombreux scandales à caractères sexuel et financier et des divisions doctrinales qui ont cours jusqu’en son centre d’unité. On serait en droit de se demander à qui s’appliquait ces grands objectifs sinon aux instances de l’Église elle-même !

Une Église autoréférentielle

Dans le discours qu’il avait tenu au pré-conclave de sa propre élection, Jorge Bergoglio avait insisté pour que l’Église sorte de son univers fermé.

Quand l’Église ne sort pas d’elle-même pour évangéliser, elle devient autoréférentielle et alors elle tombe malade […]. Les maux qui, au fil du temps, frappent les institutions ecclésiastiques ont des racines dans l’autoréférentialité, dans une sorte de narcissisme théologique. 

Il ajoutait : L’Église, quand elle […] croit posséder une lumière qui lui est propre ; elle cesse d’être le « mysterium lunæ* » et provoque ce mal si grave qu’est la mondanité spirituelle.

Nous sommes donc au cœur de son programme pontifical. Une année de la Miséricorde immédiatement après deux synodes qui ont mis en exergue le peu de compassion effective de l’Église dans la vie des couples et des familles paraît totalement cohérente. Mais François ne vise pas seulement la pastorale familiale. Il regarde tout autour de lui.

Quelle différence pour ce Jubilé ?

Toutes les années jubilaires sont des périodes où doit fleurir la miséricorde. « Le mot « miséricorde » nous vient du latin ; misericordia désignait la qualité d’une personne misericors, c’est-à-dire qui avait le coeur, cor, sensible au malheur, miseria d’autrui. »

Une année sainte sur la miséricorde peut donc faire l’effet d’un pléonasme ! Mais c’est peut-être ici qu’entre en jeu la pédagogie du jésuite François. Si les années saintes n’ont pas semblé changer quelque chose de fondamental dans l’attitude de l’Église envers le monde qu’elle est appelée à servir en l’écoutant, l’aimant, le consolant, le soulageant et le relevant plutôt que de le juger, vouloir le corriger et même parfois l’écraser sous de lourds fardeaux moraux, peut-être qu’une année portant exclusivement sur une compréhension renouvelée de la miséricorde fera le travail ! Comme le disait le pape lui-même lors de ses vœux à la curie romaine :

Il est en réalité inutile d’ouvrir toutes les portes saintes de toutes les basiliques du monde si la porte de notre cœur est fermée à l’amour, si nos mains sont fermées à donner, si nos maisons sont fermées à héberger, si nos églises sont fermées à accueillir.

Ce pape est un réformateur. Au terme de son pontificat que nous espérons le plus long possible, il y a fort à parier que l’Église sera définitivement transformée. Les mesures qu’il réclame des évêques et des pasteurs, il les met en pratique dans sa propre cour.

J’exprime donc l’espoir que cette année sainte puisse être différente des précédentes et qu’elle produise de vrais fruits de conversion – à commencer par moi-même. On ne doit jamais laisser passer le moment favorable où la grâce est abondante. Et j’aspire à demeurer dans une Église qui cesse de se contempler elle-même, car la seule lumière qui l’éclaire ne vient pas d’elle : pauvre, pécheresse, sauvée ; mais bien de l’unique Lumière du monde qui est Jésus Christ, que l’on vient d’adorer sur son humble lit de paille.

Puisse cette année nous aider à mieux intégrer l’exhortation de Jésus, celui qui se présente comme « la porte » : « Si vous aviez compris ce que veut dire cette parole : C’est la miséricorde que je désire, et non les sacrifices, vous n’auriez pas condamné ceux qui n’ont commis aucune faute. » (Mt 12, 7)

 

* Le « mystère de la lune » est une formule qui suggère que la vraie nature de l’Église est d’être comme la lune par rapport au soleil: elle brille d’une lumière qui n’est pas la sienne, mais celle du Christ.

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