Voici le vingt-septième article de la série “En quête de foi”, publié dans l’édition d’avril 2015 du Messager de Saint-Antoine. L’objectif de cette série est d’explorer les éléments de la tradition chrétienne dont les traces sont toujours perceptibles dans la culture actuelle. Les destinataires de cette série sont des gens bien enracinés dans l’Église catholique.
L’expression « seconde évangélisation » réfère à l’évangélisation d’un peuple qui a déjà manifesté de manière étendue une adhésion à la foi chrétienne et pratiqué ses rites (sacrements). Tel fut le cas du Canada-français. Nous naissions dans une famille catholique et nous étions baptisés et élevés dans un contexte social où le religieux était partout. Et nous recevions, à même notre éducation scolaire, ce qu’il fallait pour être équipés pour la mission.

Mais voici que les enfants naissent dans des conditions totalement différentes ! La plupart sont accueillis dans des familles qui n’ont plus de lien significatif avec l’Église, même si une certaine partie d’entre elles continue de requérir les sacrements. Il s’agit, selon bien des agents pastoraux, d’un reliquat de coutumes bien plus que des démarches de foi explicite.
Depuis l’exode des baby-boomers, l’Église a bien changé. La pratique hebdomadaire est devenue une affaire de « résistants » dont la détermination est anachronique pour le reste du monde. Les deux générations qui ont suivi – les X et les Y – ont eu de moins en moins de contacts avec l’Église. L’arrivée des Z (nés après 1995) permet de croire que ceux-ci auront été épargnés massivement de l’hostilité de leurs arrière-grands-parents, par « évaporation progressive » du transfert intergénérationnel.
Deuxième annonce
L’Évangile doit sans cesse être annoncé. Le pape François ne cesse de le rappeler. Or, dans un peuple qui l’a déjà reçu et vécu au point d’imprégner toute sa vie sociale, il faut entrer dans la seconde évangélisation. Spécialiste de la catéchèse, Enzo Biemmi, explique que cette « deuxième première annonce » est beaucoup plus compliquée que la première ! « Elle demande une action d’assainissement du terrain, une aide pour désapprendre avant d’apprendre, pour quitter les résistances qui viennent de fausses représentations de l’Eglise, des visions déformées de Dieu et de tout ce qui concerne la foi chrétienne ».[1]

Biemmi cite un proverbe africain : « Un arbre qui tombe fait plus de bruit qu’une forêt qui pousse ». C’est l’impression que nous avons devant la désaffection accélérée de l’Église d’ici. S’il faut encore soutenir d’une main l’arbre qui tombe, « c’est-à-dire de continuer à entretenir la foi de ceux et celles qui l’ont reçue par héritage et qui la vivent par tradition, […] l’autre main doit s’occuper de la forêt qui pousse, de cette multitude de chercheurs et chercheuses de Dieu [hors] des circuits de l’Église. »
Mon espérance repose sur le caractère relativement « vierge » de la nouvelle génération, cette « nouvelle pousse » qui est en quête d’un sens à sa vie. Je vois des jeunes qui approchent la vingtaine et qui font preuve d’une belle curiosité pour le témoignage de croyants comme moi. Je suis convaincu plus que jamais que Jésus est le chemin à leur proposer, sans jamais l’imposer, mais en montrant combien ce chemin est source de croissance et de joie réelle pour ceux et celles qui l’empruntent. Il suffit de peu pour que les yeux s’illuminent et que les cœurs se réchauffent. Mais ce peu repose aussi sur nous, croyants « fidèles », car c’est à nous, guidés par l’Esprit, qu’il revient d’en témoigner dans leurs réseaux.
[1] « La seconde annonce, La grâce de recommencer. » Pédagogie catéchétique 29, Lumen vitae, 2014.
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