La religion et les valeurs

Cet article est le vingtième de la série intitulée “En quête de foi” publié dans l’édition de juin 2014 du Messager de Saint AntoineL’objectif de cette série est d’explorer les éléments de la tradition chrétienne dont les traces sont toujours perceptibles dans la culture actuelle.

Jésus
Pardonner…

Au lendemain des élections provinciales du 7 avril 2014, un chroniqueur du Huffington Post Québec regrettait que le vieux fond catholique des Québécois les ait entraînés à pardonner au parti vainqueur son passé de corruption. Il citait même un passage de Matthieu 18 où Jésus demande à ses disciples de pardonner jusqu’à 70 fois sept fois. Mais l’auteur n’était pas d’accord, loin de là, avec ce pardon accordé trop facilement, selon lui, à ceux et celles qui sont dans la mire des enquêteurs.

Valeurs québécoises?

Le parti au pouvoir avait lancé cette campagne en tentant de fédérer les électeurs et électrices autour de certaines valeurs qu’il aurait voulu mettre au-dessus de bien d’autres : la laïcité de l’État, la neutralité de ses représentants et l’égalité entre les hommes et les femmes. Pour bien des gens, ces valeurs font effectivement partie des éléments de notre culture générale, mais elles n’en forment pas toute la substance. Dans sa déveine, le gouvernement sortant avait peut-être oublié que le pardon est encore bien enraciné au sein de sa population!

L’héritage catholique des Québécois est en réalité bien plus riche que ces quelques valeurs identifiées dans l’ex-projet de charte. Il faut ajouter d’autres valeurs tout aussi fondamentales, comme la liberté individuelle, notamment de conscience et de religion, l’hospitalité, l’inclusion, la justice sociale, le partage, la dignité de chaque personne, la tempérance, la bonne entente, l’entraide et la générosité de soi allant même, oui, jusqu’au… pardon! Lorsque nous sondons le vieux fond catholique des gens qui nous entourent, c’est vers l’ensemble de ces valeurs que nous les voyons tendre, même si, concrètement, nous ne les avons pas si souvent incarnées collectivement.

Mieux vivre ensemble

Sans en parler comme des valeurs, les catholiques ont aussi à leur compte quelques attitudes plus éloignées de l’Évangile. Si nous avons su accueillir assez favorablement de nombreux immigrants d’Italie, de Pologne, d’Irlande, de la Grèce et du Liban, c’est peut-être parce qu’ils partageaient la même religion que nous. Mais notre histoire témoigne aussi de grandes difficultés à côtoyer ceux qui, comme les Juifs ou les chrétiens protestants, étaient parfois pointés du doigt, même par le clergé, comme des gens qu’il ne fallait pas fréquenter.

Nous avec les musulmans
Photo : Journal de Montréal

Depuis cette époque, de nouvelles vagues d’immigration ont déferlé. Des asiatiques sont venus s’installer, surtout en métropole. Et puis, plus récemment, des maghrébins parlant français, mais confessant en majorité la foi musulmane, ont commencé à arriver en débordant vers les régions. Il est possible, alors, que notre « vieux fond anti-religion-des-autres » ait été réveillé par le projet d’une charte « des valeurs québécoises » et que le « nous » évoqué par les uns et les autres a pu s’exprimer de façon moins inclusive de la diversité religieuse visible.

Plutôt que de rabâcher sur les valeurs communes d’antan qui récapituleraient notre identité, n’est-il pas temps de nous consacrer à faire advenir les conditions véritables du vivre ensemble auquel nous sommes appelés? L’espérance a toujours fait partie de nos attributs comme peuple. C’est cette « valeur » qui devrait nous amener à nous lancer dans l’avenir, catholiques avec les autres, en devenant un peuple qui plaît à notre Dieu.

Comments

8 réponses à “La religion et les valeurs”

  1. Avatar de Graphou

    Il n’est pas facile de faire lecture de ce qui s’est passé très exactement au Québec autour de ce controversé projet de loi de charte de la laïcité. Un vieux fond anti-religion-des-autres a-t-il été réveillé, comme le dis l’article ? C’est possible, mais à mon avis, c’est secondaire. Il faut tenir compte du fait que les artisans et les promoteurs de cette charte sont manifestement antireligieux. Ce n’est pas tant la religion des autres qui les indisposent que la religion tout court. Et les valeurs culte de cette lutte, ce sont les valeurs issues de la contestation du religieux au Québec. Ce sont les nouveaux absolus d’une société que l’on veut totalement sécularisée. Une grande difficulté, donc, à comprendre ces minorités qui sont encore mues par des convictions religieuses et, d’une certaine manière, qui résistent à la nouvelle normalité sociale québécoise, qui résistent odieusement au « consensus ». S’il faut chercher une racine catholique dans cette pseudo-crise, je crois qu’elle se trouve dans cette recherche du consensus. Dans une difficulté à concevoir et à tolérer la pluralité et la diversité. Comme si on cherchait, inconsciemment, à retrouver le chemin de « la seule Église, seule dépositaire de la vérité ». On croit l’avoir trouvé dans le Sécularisme intégral.

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    1. Avatar de Jocelyn Girard

      Vous avez raison, c’est complexe! J’aime bien l’idée du consensus comme autre valeur issue du vieux fond catholique. Comme notre société canadienne-française catholique avait besoin d’être unie pour éviter tout délitement, il fallait sans doute une règle implicite ou non du « tout pareil ». Ce passage au sécularisme intégral n’en serait alors qu’une réminiscence. Je vais y songer! Merci.

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  2. Avatar de M.Anour Roula
    M.Anour Roula

    Moi, ce que je découvre s’installer au Québec aujourd’hui, pas très très loin d’ailleurs de mon milieu proche, et que je n’avais pas vu il y a une quarantaine d’années, c’est un certain esprit inquisiteur. Peut-être cela vient du fait que la société québécoise, historiquement soudée par le commun est devenue libéralement individualiste…plus américaine finalement.

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  3. Avatar de Pierre Brassard
    Pierre Brassard

    À l’attention de M. Jocelyn Girard.

    M. Girard,

    le 28 mars dernier, vous mettez en ligne sur votre compte twitter un vidéo d’une entrevue de Tariq Ramadan et d’Edgar Morin qui me laisse perplexe. Sans un minimum de retenue, vous donnez sans vous en apercevoir le bénéfice du doute à cette entrevue (et aux invités) sans vérifier plus en profondeur ce que vous voyez.

    Je me permet de souligner que dans l’entrevue, l’animateur mentionne que Tariq Ramadan travaille en autre comme « directeur d’un centre de recherche islamique à Doha… au Qatar. (voir à 0:40).

    Êtes-vous renseigner sur ce centre de recherche ?

    Connaissez vous bien Tariq Ramadan ?

    Si vous vous dites catholique ET progressiste sur le plan des valeurs vous devriez revoir vos paramètres d’observations. Vous devriez même avoir honte ! Honte de ne pas être aussi vigilant envers les idéologues islamistes comme Tariq Ramadan.

    J’ai honte de voir un homme de foi être aussi aveugle comme on en retrouve souvent chez certains « catholiques progressistes ». Tout les « cathos progressistes » ne sont pas aussi aveugle heureusement.

    Vous auriez pu sur votre compte twitter exprimer de grande réserve sur Tariq Ramadan. Vous travaillez au dialogue interculturel et inter-religieux ? J’en suis. Mais pas avec n’importe qui. Ayez des principes.

    Allez voir la photo sur ce site. La photo n’est pas truquer. Tariq Ramadan est côte-à-côte avec l’islamiste notoire Yusuf al-Qardawi :

    http://www.hayat.ca/2012/03/02/la-reforme-radicale-passera-par-le-centre-de-recherche-pour-lethique-au-qatar/

    Pierre Brassard

    Entrevue de Tariq Ramadan et Edgar Morin

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    1. Avatar de Pierronne la Bretonne
      Pierronne la Bretonne

      Face à nos frères musulmans, la seule attitude nécessaire est celle du « respect têtu » (titre d’un vieil ouvrage dont Olivier Clément était coauteur). Ce qui n’empêche pas un certain dialogue (l’esprit d’Assise où nous pouvons nous retrouver sur certaines questions essentielles). Il ne s’agit pas de vouloir convertir l’autre mais de le respecter dans sa foi. Si le fondamentaliste sort le glaive, car c’est son unique façon de s’exprimer, le respect est par lui réduit à néant. Alors, il reste l’Espérance et l’Amour… Ils transformeront le monde, soyez-en certain; le Christ est venu et il est mort sur la croix pour cela. Bien entendu, le chemin est escarpé et difficile, mais avons-nous le choix? Demeurons à travers toutes ces épreuves des témoins de la Lumière transformante du Ressuscité. Sois dit en passant, si le fondamentaliste a tant d’influence sur sa communauté, c’est qu’il y a bien une cause à ce réveil religieux néfaste. J’en vois une qui ne trompe pas et dont les facettes bien marquées révèlent un faciès que nous connaissons bien: l’injustice, la corruption, l’oppression, l’exploitation éhontées…

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      1. Avatar de Graphou

        En toute chose, l’amour. C’est le seul chemin qui conduise à l’autre. C’est la voie du Christ.

        Confusion très répandue à propos du respect : Je ne crois pas que pour respecter l’autre (ici, le musulman), je doive respecter ce qu’il croit ou ce qu’il pense. Cela conduirait à l’indifférenciation de tout système de croyance ou de pensée. Mon respect se porte plutôt sur l’intégrité de sa personne et sa liberté de croire ou de penser autrement. Les croyances, les dogmes, les idéologies peuvent être discutées, critiquées ou dénoncées, selon leurs mérites. Ce qui requiert une certaine maturité. Vouloir témoigner de sa foi à l’autre est tout à fait sain, si ce n’est saint. J’espère que mon voisin musulman en fera autant. Ainsi pourrons-nous nous rencontrer, moi le chrétien, lui le musulman. Aussi longtemps qu’il y a, de part et d’autre, respect de la liberté de croire (ou de ne pas croire) certaines choses, il n’y a pas vraiment de problème. S’il s’en trouve un, c’est qu’à l’heure actuelle on mélange tout.

        La conviction n’est pas ennemie de la paix. Il faut le dire et le redire.

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        1. Avatar de Pierronne la Bretonne
          Pierronne la Bretonne

          Salut en Christ, Graphou,
          Oui bien sûr, il ne s’agit pas d’abandonner ses convictions et son identité pour respecter l’autre. Ce n’est pas là l’idée de respect à laquelle je faisais allusion. Et effectivement, pour le chrétien, mettant ainsi ses pas dans ceux du Maître, la Personne passe avant tout. Le terrible drame propre au fondamentalisme et à l’intégrisme de toute nature d’ailleurs, est de rendre l’Homme esclave et de porter ainsi gravement atteinte à la Personne. Je suis profondément peiné et blessé en pensant à ce qui arrive à Meriam et à Asia…

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          1. Avatar de Graphou

            Salut la Bretonne,
            Paix et joie en Jésus-Christ
            Merci pour ta gentille réponse. Je suis bien d’accord à l’effet qu’il ne faut pas abandonner ses convictions et son identité pour respecter l’autre. Toutefois j’affirme plus que cela. On n’est pas obligé non plus d’avoir de la révérence pour les idées, les croyances, ou le style de vie adopté par l’autre pour le respecter ou l’aimer. Je me permet d’insister sur ce point, parce la culture dans laquelle nous baignons nous incite chaque jour à croire le contraire : que nous ne pourrions respecter ou aimer quelqu’un à moins de légitimer ses croyances ou son style de vie. C’est, à mon sens, proprement absurde. C’est la personne qui doit faire l’objet de notre respect, pas ses pensées ou ses actions, qui pourraient être honorables ou non. Lorsque le Coran encourage les musulmans à tuer les «associateurs» (les chrétiens) où qu’ils se trouvent, je n’ai pas à respecter ce genre de parole ni la croyance qu’elle vient de Dieu. Je ne peut faire autrement que la dénoncer.

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