Je vois avec intérêt, ces derniers temps, le retour de films inspirés de la Bible, notamment « Le Fils de Dieu » (The son of God) et plus récemment « Noé » (Noah). Bien que, sur le plan cinématographique, ces films et d’autres à venir (« L’Exode ») présentent un certain attrait, il n’en demeure pas moins qu’ils suscitent aussi leur lot de réactions, allant des plus positives aux plus corrosives. Mais au-delà de toutes ces critiques, qui a intérêt à ce que ces histoires soient de nouveau portées à l’écran? Quelles seraient les intentions derrière de telles productions? Amener des cinéphiles à mieux connaître la Bible? Convertir massivement des hommes et des femmes de notre temps?
Une longue tradition
Depuis que le cinéma existe, les récits bibliques ont continuellement servi de trames à des productions parmi les plus grandioses. Tant l’Ancien Testament que le Nouveau ont été à la source de scénarios devant servir à mettre en images des histoires qui, prises littéralement, ont souvent procuré bien des maux de tête aux prêcheurs! Et, à ma connaissance, aucun de ces films n’a jamais fait l’unanimité. Tant les athées que les croyants y ont trouvé à redire. Pour les non-croyants, les récits bibliques transposés au grand écran ont le plus souvent le parfum de l’irréel et du sentimentalisme. Pour les chrétiens et les juifs, soit ils sont l’image réaliste de ce qui a pu se produire réellement, soit ils déforment ou interprètent de manière trop libérale les Écritures. Ainsi donc, très peu y croient vraiment. Et pourtant, on reprend encore et encore ces thèmes qu’on offre aux téléspectateurs de toute la planète, un peu comme autrefois, lorsque les missionnaires se rendaient dans des contrées éloignées y porter la foi chrétienne, sans distinction du véhicule civilisationnel dans lequel elle s’était inculturée. C’est d’ailleurs sans doute là qu’est la « réussite » de cette époque missionnaire: d’avoir imposé à plusieurs continents une forme quasi-unique de civilisation aux airs de chrétienté bien plus que de la foi comme telle!
Annoncer le Christ, vraiment?
Malgré tout, les missions chrétiennes ont la plupart du temps été le fait de véritables croyants et croyantes qui voulaient offrir au monde une chance de connaître le Christ Jésus et toute la tradition croyante engendrée à sa suite. Cela ne peut pas être le cas d’un film. Par exemple, Mel Gibson a bel et bien professé la foi chrétienne et son film La Passion du Christ représente le fruit de sa propre recherche spirituelle et de sa méditation des évangiles. Mais sa création n’a pas touché la cible que son auteur visait, à savoir de partager une vision la plus réaliste possible de la Passion de Jésus afin de saisir le spectateur ainsi appelé à prendre position pour ou contre le Fils de Dieu. Dans les faits, je ne connais aucune personne qui ne m’ait jamais dit : « C’est grâce à tel film sur Jésus ou sur la Bible que j’ai été convertie. »
Russell Crowe, qui personnifie Noé, et le réalisateur Darren Aronofsky ont eu beau vouloir rencontrer le pape François afin d’obtenir sa bénédiction pour inciter les croyants à s’entasser dans les salles de cinéma, même un tel soutien ne pourrait conduire à une conversion des masses. Un film, qu’on le veuille ou non, restera toujours une œuvre de fiction! Une succession de films bibliques de qualité ou à grands déploiements n’aboutira à rien d’autre que d’être rangée à côté d’autres trames historiques ou légendaires : c’est bon pour la plongée dans une histoire plus ou moins crédible, c’est édifiant et parfois inspirant, mais ça n’est rien d’autre que des images animées et des acteurs qui font semblant… Venir à la foi par et à travers un film hollywoodien comporte le risque de figer des images et des attitudes qui sont incarnées théâtralement. De plus, l’univers hollywoodien reflète forcément l’esprit de notre époque, dans le filtre d’une civilisation made in USA dont l’auto-promotion ne se dément pas. Quiconque vient à la foi à travers les évangiles et la tradition, ne peut conclure autrement que l’essence même du Jésus historique et de certains autres personnages bibliques ne sera jamais saisissable en « une seule prise » ni à partir d’une seule culture.
En réalité, la seule chose qui ait jamais converti les non-croyants à adhérer à la foi chrétienne, c’est la rencontre personnelle avec le Ressuscité. Celui-ci se donne à voir de multiples manières, mais, le plus souvent, c’est à travers l’humble témoignage de ses disciples qui, dans leur manière amoureuse d’habiter le monde et en tentant de manifester une compassion et une justice qui les transcendent, parviennent à pointer le doigt en direction du Créateur de toutes choses. Et c’est là, alors, que tout devient possible à celui ou celle qui veut croire.
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