Va d’abord trouver ton frère…

Les funérailles, moment de vérité? Photo Steve Deschênes, Le Soleil

J’aime à penser que personne n’a rien contre moi… J’aspire à ce que nous puissions, au sein de ma famille, garder un lien fraternel convenable. J’ai deux parents, cinq frères et deux sœurs. J’ai une épouse, cinq enfants et déjà cinq petits-enfants! C’est nettement au-dessus de la moyenne québécoise. Parfois, je me dis que si je parviens à garder une relation honnête avec chacun et chacune d’entre eux jusqu’à la fin de ma vie, alors j’aurai peut-être accompli le fameux adage « Aime ton prochain comme toi-même ». Je ne suis pas sûr, toutefois, de tous les aimer de manière égale, mais il est possible que je les aime plus que moi-même, car je ne crois pas m’aimer tant que cela! Pas encore en tout cas… Il est donc probable qu’à mes funérailles on dise du bien de moi comme on le fait habituellement, parfois avec exagération, un peu comme si on tentait de défendre la cause du défunt auprès du portier du ciel!

En réalité, mon vrai propos est ailleurs… La famille naturelle ou adoptive ne me suffit pas. Je crois de plus en plus fort que la première appartenance de tout enfant qui vient au monde n’est pas d’abord sa famille biologique. Il y a tant d’enfants qui naissent et qui sont mis en attente d’une autre famille. Tant d’autres qui arrivent dans une famille qui n’a pas toutes les qualités pour les accueillir et en prendre soin. Même dans les meilleures familles, il arrive fréquemment que les enfants se mettent à rêver de mieux! Jésus lui-même a dû se positionner ainsi, lorsqu’une délégation familiale incluant sa mère a tenté de le raisonner. Nous connaissons sa célèbre réponse: « Ma famille? Ce sont ceux et celles qui ont le même Père que moi, celui du Ciel… » Bref, notre vraie famille déborde sans doute de celle dans laquelle nous grandissons.

Appartenir à la famille humaine

Le frère universel

Aujourd’hui, je me suis arrêté sur cette interpellation de l’Évangile: « Va d’abord te réconcilier avec ton frère. » Et là, je me suis posé cette question: « Mais qui donc est mon frère, qui est ma sœur? » Bien entendu, j’aime les membres de ma famille, mais je pense que Jésus ne songeait pas seulement à nos proches immédiats lorsqu’il a donné son enseignement sur la montagne. Sauf si, bien sûr, s’il y a querelle en la demeure. En fait, je me suis demandé, au fond de moi, si des frères ou des sœurs que je ne connais pas pouvaient avoir quelque chose contre moi. Et là, j’ai eu une pensée pour Charles de Foucauld. Cet homme qui, au terme d’un cheminement spirituel, est parti vivre simplement (et mourir assassiné) comme un chrétien au milieu des touaregs en Algérie. Lui, l’Européen bien élevé, s’était mis à la recherche de « ses frères ». «Il voulait rejoindre ceux qui étaient le plus loin, « les plus délaissés, les plus abandonnés ». Il voulait que chacun de ceux qui l’approchaient le considèrent comme un frère, « le frère universel ». Il voulait « crier l’Évangile par toute sa vie » dans un grand respect de la culture et de la foi de ceux au milieu desquels il vivait. « Je voudrais être assez bon pour qu’on dise:  Si tel est le serviteur, comment donc est le Maître? »» (source)

Dans le désert, Charles avait trouvé ses frères, ses sœurs, parmi ces gens ignorés de toutes les civilisations. Et là, je me dis ceci: si je crois, comme Charles, que chaque être humain m’est donné comme un frère ou une sœur, cela signifie qu’il y a probablement des millions de frères et de sœurs qui ont quelque chose contre moi. Car ma vie, mon bonheur, le pays où je vis, les conditions qui sont les miennes, le salaire que je gagne, la manière dont je consomme, tout ça constitue des irritants pour mes sœurs et mes frères qui en sont privés parce que, à l’échelle planétaire, je fais partie de ceux et celles qui prennent plus que leur part.

Alors je me dis que Jésus a raison… Quelque soit la valeur de l’offrande que je puisse apporter sur l’autel de ma religion, aucune ne pourra jamais plaire à Dieu tant que, quelque part en ce monde, l’un de ses enfants qui m’est un frère ou une sœur a quelque chose contre moi. « Si c’est le cas, dis Jésus, va d’abord trouver ton frère (ta sœur) pour te réconcilier avec lui (elle). »

Si un jour, je « trouve » ce frère…

Lorsque je trouverai un frère ou une sœur avec laquelle je devrais me réconcilier avant d’aller me présenter au Temple, voici ce que j’aimerais pouvoir lui dire.

« Je te demande pardon. Je ne veux pas me cacher derrière un système qui réduirait ma responsabilité individuelle; ou le fait d’être né là où la vie est meilleure; ou encore parce que j’ai mérité ce que je possède. Je veux me présenter devant toi en vérité. Je reconnais que ma vie t’est un scandale parce que tu existes dans mon ombre et que ta vie est le plus souvent miséreuse. Tu es cet homme écrasé par le poids du désastre économique mondial qui aggrave sans cesse nos inégalités. Tu es cette femme qui a perdu mari et enfants suite à des bombardements en provenance de ceux qui veulent te gouverner tout autant que de ceux qui veulent te libérer. Tu es cet enfant qui a perdu ses parents dans une catastrophe que le changement climatique a probablement accentué. Tu es ce bébé mort avant même d’avoir pu sourire à ta mère, parce que la pauvreté du camp de réfugiés où tu es né a empêché que son lait soit assez riche pour que tu vives. Toi, oui toi et toi et toi aussi là-bas, je veux que tu me pardonnes. Et je te pardonne à mon tour pour t’être laissé devenir envieux et pour m’en vouloir à mort parce que ma vie est plus facile que la tienne et que je ne semble pas me soucier de toi. Je te pardonne de fomenter des sentiments de haine et de colère contre moi et même de passer à l’acte lorsque la désespérance te fait abdiquer de ton humanité.  Il n’est plus question, pour moi, de faire comme si je pouvais ignorer que tu es mon frère ou que tu es ma sœur. Désormais, tu es ma famille. Et je ferai tout pour que nous parvenions à nous réconcilier, car il n’y a qu’une façon de vivre sur terre, c’est de nous aimer les uns les autres comme notre unique Père céleste nous a aimés. »

Voilà. C’est ce que je lui dirais. C’est ce que je te dis à toi aussi, car aujourd’hui je t’ai trouvé.

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