Charte: l’utile, le nécessaire et l’inutile…

Les orientations relatives à la « charte des valeurs » québécoises, annoncées par le ministre Bernard Drainville, le 10 septembre 2013, auront donc, pour l’essentiel, confirmé les fuites qui circulaient déjà depuis quelques semaines. Ce gouvernement entend « clarifier » les valeurs communes qui devraient s’élever au-dessus de certains droits fondamentaux reconnus universellement. Il suffit de relire la Déclaration universelle des droits de l’Homme adoptée en 1948 par tous les pays membres de l’ONU pour bien saisir que les droits fondamentaux ont déjà leur « charte » et qu’il ne peut se faire « aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté. » (article 2.2)

Déclaration universelle des droits de l hommeBref, au Canada comme au Québec, nous nous sommes soumis volontairement à cette Déclaration et devons travailler sans cesse à ce que les droits fondamentaux qu’elle contient soient effectifs sur notre territoire. Je me propose d’évaluer le projet de charte à partir de trois critères classiques que sont l’utile, le nécessaire et l’inutile.

Utile?

L’utilité est ce qui procure un avantage ou une commodité. Les accommodements raisonnables le sont lorsqu’ils font en sorte qu’un groupe de personnes y trouvent une réponse qui rend plus acceptable leur situation particulière. Faire des accommodements n’est pas une obligation. C’est plutôt une concession que la majorité fait à des personnes et par voie de conséquence à des groupes en situation de  minorité pour des motifs raisonnables, notamment au chapitre des droits fondamentaux. Baliser de tels accommodements, notamment religieux, pour qu’ils soient assortis de conditions dans une recherche de bien commun et de respect de l’égalité entre les femmes et les hommes est tout à fait légitime. Il est certes utile que notre gouvernement en vienne à codifier ces balises en visant à les uniformiser de manière à rendre plus claire leur mise en oeuvre. On ne peut donc que saluer, enfin, cette volonté d’adaptation à l’évolution de notre société et de clarification visant à déterminer ce qui est, ou non, acceptable et dans quelle mesure.

Nécessaire?

M. Drainville ne veut pas remettre en question la présence du crucifix qui se trouve derrière le président de l’Assemblée nationale en raison de son caractère historique et patrimonial. Bien sûr, il doit tenir compte du fait qu’en 2007, l’Assemblée nationale a voté unanimement pour qu’il soit conservé. Mais est-ce un symbole toujours nécessaire? Pour moi, il n’est nul besoin d’entrer dans cette interprétation historique d’une collusion présumée entre le haut clergé québécois et le Gouvernement du Québec de l’ère Duplessis pour réfléchir à l’opportunité de le maintenir ou non de manière rationnelle. En effet, lorsque la très forte majorité des citoyens et citoyennes du Québec était chrétienne et catholique de surcroît, l’affichage massif des symboles religieux n’avait rien d’incongru. Toutes les maisons affichaient de tels symboles, les rues en étaient marquées. Il était parfaitement naturel que même les élus « emportent » avec eux à l’Assemblée nationale certains symboles de leur appartenance. Or, la situation a changé. Même si la majorité est toujours chrétienne, elle s’est peu à peu rognée elle-même par la sécularisation et les vagues successives d’immigration ont modifié graduellement le rapport de domination qu’elle exerçait. Retirer le crucifix de l’Assemblée nationale et le remettre formellement à l’Église catholique « en reconnaissance des services rendus » serait un geste hautement honorable de la part des élus s’il était fait avec le respect dû à leurs prédécesseurs qui voyaient en lui le signe de la présence du Christ au sein de l’amphithéâtre. Je serais personnellement très fier de voir ainsi reconnu et salué le « travail accompli » par cette effigie qu’on pourrait retrouver bien en valeur dans un musée religieux. Le parlement est particulièrement représentatif de la neutralité de l’État face à toutes les religions. Il est sans doute nécessaire, aujourd’hui, d’en retirer toute référence à une religion particulière, fut-elle la mienne…

Une autre nécessité aurait été de créer un ensemble de règles valables pour tous et toutes plutôt qu’un système à géométrie variable. Par exemple, un hôpital pourra se soustraire à la charte durant cinq ans et celui qui est à quelques kilomètres seulement pourra choisir d’appliquer la charte à la lettre. Pareil pour des cégeps et des universités et même des municipalités. Peut-être assisterons-nous à une nouvelle mobilité de la main d’oeuvre durant cette période de transition? Des employées quitteraient un poste pour aller dans l’établissement voisin qui se montre plus permissif. Bref, c’est tout sauf une situation claire…

Inutile? Une laïcité anti-religieuse…

M. Drainville déclare qu’il est nécessaire de faire en sorte que la neutralité de l’État puisse être perceptible à travers l’apparence extérieure de chacun et chacune des fonctionnaires de l’État. Est-ce vraiment nécessaire voire même utile? À part les représentants directs de l’autorité de l’État que sont les juges, les procureurs du ministère public, les policiers, non, aucunement. C’est même clairement inutile…

En réalité, le gouvernement péquiste étend la portée de la dimension représentative de l’État jusque dans l’espace de travail de tous ceux et toutes celles qui reçoivent un salaire du système public. Or, chaque individu est libre en conscience et libre d’exprimer sa foi religieuse, selon la Déclaration universelle. S’il la rend visible dans son travail auprès du public, est-ce qu’il entraîne irrémédiablement la non-neutralité de l’État? Est-ce que nous devons le soupçonner automatiquement de vouloir convertir les gens qu’il doit servir au nom de l’État? Rien n’est moins sûr. Même sans signe religieux, ce n’est jamais à des robots que nous avons affaire. Ce sont des êtres humains avec leurs valeurs, leurs croyances, leur histoire. Alors pourquoi aller aussi loin que dans les milieux de santé et d’éducation? Ces professions sont des lieux de compétences avant tout. Le médecin, l’infirmière peut bien porter un signe religieux, tant que le soin qu’il ou elle me prodigue est de la qualité attendue d’un professionnel. L’enseignante ou le professeur peut bien porter un signe quel qu’il soit, tant et aussi longtemps qu’il prodigue l’enseignement requis par la Loi sur l’Instruction publique! Une éducatrice peut bien se voiler la tête, tant qu’elle prend soin des enfants selon les normes de l’établissement qui l’embauche. Il en était d’ailleurs ainsi à une autre époque lorsque des religieuses voilées travaillaient massivement dans ces milieux sans jamais que leur compétence fut mise en question! On disait aussi, autrefois, que « L’habit ne fait pas le moine ». C’était rempli de sagesse. Or, aujourd’hui, on accorderait à un bout de tissu ou à un bijou le statut de critère disqualifiant la compétence, les qualifications, l’expérience!

Et qu’en est-il des enfants? Ils sont vulnérables, dit le ministre, et on ne veut pas les exposer aux risques d’endoctrinement. En vérité, nos enfants d’aujourd’hui seront bien plus aptes à exercer leur jugement en matière de religion que n’importe quel adulte de plus de 30 ans! En effet, ne sont-ils pas soumis à un enseignement appelé « Éthique et Culture religieuse » qui a justement pour objectif d’ouvrir aux différentes cultures et croyances, de développer la tolérance et le respect? Pour y parvenir, il faudrait, selon le ministre, éviter aux enfants de rencontrer des adultes qui affichent de telles différences? Cela me semble incohérent. Personnellement, je ne crains pas de voir mes fils recevoir un enseignement de la part d’une femme qui porte le voile, pas plus que je refuserais un traitement médical d’un médecin portant la kippa ou le turban. Je me réjouirais plutôt que notre société sait accueillir la différence et reconnaître le professionnalisme au-delà des appartenances ethniques ou religieuses.

Le mauvais choix

Parmi toutes les formes de laïcité que l’on peut concevoir (cf. mon billet sur ce sujet), le gouvernement a choisi, concrètement, de combiner les formes les plus rigides qui soient plutôt que de retenir la seule qui aurait le pouvoir d’unir et de fédérer les ethnies au sein d’une culture commune. En effet, l’approche retenue est à la fois autoritaire, anti-religieuse et de « foi civique », en voulant imposer à tous et à toutes une sorte de credo laïque visant à élever des valeurs sociétales au-dessus de toutes croyances religieuses. Cela revient donc à dire que « nous », Québécoises et Québécois (surtout dits « de souche » et principalement catholiques), croirions avoir atteint l’apogée de la civilisation qui consisterait à pouvoir vivre en dehors de toute référence publique à la religion. « Nous » pourrions donc nous permettre de brimer des droits fondamentaux (liberté de conscience, liberté de religion) parce que nous avons élevé la « neutralité » de l’État au-dessus de ces autres droits. « Nous » pourrions affirmer avec certitude que nous savons parfaitement ce que c’est que d’être égaux – hommes et femmes – à tel point que nous pourrions imposer à des femmes de ne plus porter ce qui, pour la plupart de celles concernées, constitue une part essentielle de leur identité « publique ». Et dans le même élan, nous laisserions des hommes porter une barbe hirsute, parce que jamais taillée en respect d’un précepte associé à la même religion, en nous imaginant que c’est plus égal ainsi… Égalité, dites-vous?

En terme de laïcité, nous ne pouvons pas faire plus rase-motte que ça! « Nous » pourrons nous proclamer les champions de l’évacuation du religieux de la sphère publique. « Nous » aurons donc réglé une fois pour toute leur cas à la religion, à la religiosité et aux croyances moyenâgeuses! Ainsi « nous » éduquerons notre progéniture à ne plus croire qu’en des valeurs supérieures de la nation et à rejeter toute autre croyance qui pourrait altérer une telle perfection. Cela ne vous rappelle-t-il pas certaines leçons de l’histoire?

Dans tous les contacts, toutes les relations que j’ai entretenues avec des personnes d’origine étrangère, jamais je n’ai eu le sentiment d’en percevoir certaines comme des « ennemies » même si parfois j’ai pu être craintif dans mes approches. J’ai aujourd’hui la conviction que je pourrais en trouver à l’intérieur de ce « nous » auquel je ne me sens plus appartenir. Une telle charte des valeurs risque d’ailleurs de s’avérer un véritable programme de fabrication d’extrémismes religieux plutôt qu’une saine approche du vivre-ensemble. Je le dis donc haut et fort: je ne fais plus et je ne ferai jamais partie de ce « nous » s’il se destine ostensiblement à être discriminatoire et exclusif. Et qui sait, peut-être me verrez-vous porter une kippa en signe de solidarité avec ces « eux » que nous voulons stigmatiser?

Comments

7 réponses à “Charte: l’utile, le nécessaire et l’inutile…”

  1. Avatar de Jeff
    Jeff

    Merci de faire connaître ta pensée : sereine, intelligente et sentie, ouverte au dialogue.

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  2. Avatar de Daniel Laliberté
    Daniel Laliberté

    Plus j’y pense, plus j’ai l’impression que, au fond, tout ce branle-bas de combat à saveur religieuse vise à régler une question qui, justement, N’EST PAS une question fondamentalement religieuse. Je m’explique.

    1- Le point le plus évident et le moins contestable de tout ce projet, c’est celui du port du voile intégral (burqa, niqab), inacceptable dans quelque transaction gouvernementale que ce soit. je pense que là-dessus, il n’y aura pratiquement aucune contestation. Or il n’y a là aucun enjeu religieux.

    2- Des différentes entrevues entendues, je déduis que, parmi tous les supposés « signes religieux » à écarter ou pas, ce qui dérange le plus le gouvernement actuel, c’est celui du voile: non seulement les voiles intégraux du point 1, mais TOUT voile. Quand on entend les représentants du gouvernement en parler, ce voile est toujours présenté par eux comme relié à l’enjeu de l’égalité hommes-femmes. La question est donc de savoir si, par nature, ce voile est une atteinte à cette égalité. Là on entre dans la subtilité et la nuance! Personnellement, j’avoue que j’aurais tendance à dire que, en raison de sa charge symbolique, ce voile renvoie toujours à cela, ce qui, dans notre société, fait problème. Je pense qu’il est en lien avec cette question même quand le voile est choisi très librement par celle qui le porte. Je suis conscient de porter un jugement ici (mais n’est-ce pas toujours un peu cela, donner son opinion?), mais j’ai tendance à penser que tout l’héritage culturel qui sous-tend le port du voile constitue une sorte d’inconscient collectif perpétué par la culture moyen-orientale et son substrat islamique, qui conduit des femmes à vouloir s’identifier à ces origines et à en choisir librement le signe. Mais ce faisant, ces femmes, selon moi, ne réalisent pas que l’origine du port du voile se situe dans une compréhension viciée des rapports homme-femme, où le corps féminin est perçu par la pensée mâle dominante comme source de tentation et donc à cacher pour éviter cette tentation. Dans cette pensée, même les actes mâles les plus barbares sont la conséquence de la tentation instillée dans le cerveau par les « atours féminins » – en bon québécois, toutes les femmes sont par nature des « agaces » – de sorte qu’il faut rendre les femmes les moins attirantes possibles. Rappelons-nous que cette perception n’est pas propre à l’Islam, qu’elle est à la source des accommodements demandés (et heureusement refusés) par les juifs orthodoxes pour faire givrer certaines fenêtres, et qu’elle est toujours un peu sous-jacente aussi à certains courants de la pensée chrétienne. Le problème, c’est qu’une partie des civilisations fondées sur l’Islam ont fortement intégré cette pensée et l’ont poussée à des degrés divers (la burqa afghane en étant assurément l’expression la plus extrême). en conséquence, puisqu’il y a une association forte entre ces civilisations et l’Islam, parce que certains penseurs de l’Islam ont fini par intégrer ce discours sur la femme-tentatrice à la religion islamique et ont ainsi donné une portée religieuse au port du voile, alors cette question du voile est devenue une question religieuse. Mais à l’origine elle est culturelle, liée à une certaine anthropologie et non pas essentiellement religieuse.
    Si mon analyse est juste, si c’est cet argument qui pousse le gouvernement à vouloir voir disparaître le voile des transactions gouvernementales, pourquoi ne le dit-il pas comme cela? Il me semble que ça simplifierait tout le débat. Il est vrai que, du coup, cela aurait pour effet de mettre le focus sur un groupe en particulier (et par conséquent sur une religion en particulier), mais bon! Puisque ce sont les héritiers de cette tradition culturelle qui ont amené chez nous cette question des rapports homme-femme affectée par le port du voile, pourquoi accabler tous les tenants de toutes les religions, pour un enjeu qui n’est pas religieux à la base?
    Je sais, on dira que, à cause de l’association qui est faite avec l’Islam, on dira que d’interdire le voile est une atteinte à la liberté religieuse, et effectivement on ne peut pas dire que ça ne le soit pas même si le motif pour l’interdire, lui, n’a rien de religieux.
    Ainsi, dans le cas de la loi (éventuelle) qui nous préoccupe, on est à la croisée de la signification symbolique du voile et du droit individuel à le porter. De toute évidence, le gouvernement actuel a fait son nid: pour lui, le symbole (symbole négatif, expression du sexisme) semble si fort que cela mérite tout bannissement des situations où l’État est en cause, au prix même de la négation du droit individuel à le porter, et ce même par des femmes qui ne subissent pas de sexisme dans leur vie.
    La question qui est posée est alors la suivante: est-ce que quelqu’un est dérangé par le fait qu’une représentante de l’État, portant le voile, révèle par là son appartenance à l’Islam? Il me semble que cela ne dérange pas grand monde. MAIS… le problème n’est pas là: chez nous, et quoi qu’il en soit de la vie réelle, oppressée ou non, de celle qui porte ce voile, n’envoie-t-elle pas malgré elle le signal suivant: je suis fière de m’identifier à une philosophie où il faut cacher les atours féminins pour ne pas « agacer » les mâles, et donc à une mentalité où les hommes briment les droits des femmes.
    J’ai tendance à être d’accord avec un gouvernement qui dit qu’il veut bannir ce symbolisme. Mais le fond de tout cela n’est pas religieux!!! Sauf que… est-ce que le gouvernement va oser dire les choses comme cela? il semble qu’il ait décider de prendre une autre voie, pas la plus heureuse, en situant le voile dans une (fausse) problématique beaucoup plus globale: pour ne pas stigmatiser l’Islam et la culture moyen-orientale, il a décidé d’englober toutes les religions et leur expression visuelle, alors que ce qui est visé, c’est une exclusion du sexisme. Tout comme les accommodements sur le givrage des fenêtres ont été refusés au nom du sexisme qu’ils reflétaient, de même, c’est cela le vrai argument de ceux qui veulent bannir le voile. Alors qu’ils le disent, et qu’on ne cherche pas alors à éliminer tous les signes religieux, alors que tout le monde sait bien que ce n’est pas le port de ces signes qui est en soi propagandiste: on peut être très prosélyte sans porter aucun signe religieux ostentatoire!!!

    3- Cela dit, peut-être y a-t-il un « agenda caché » au sein du groupe parlementaire! Car on est en droit de penser que le désir non-clairement avoué qui sous-tend toute cette affaire, c’est la mentalité laïciste de ce gouvernement. Ici, j’avoue ignorer à quel point elle en habite les membres. Mais il semble que la faction « laïcisante à l’extrême » ait profité de l’occasion pour poursuivre son entreprise de démolition de toute expression religieuse, même dans des contextes où la neutralité de l’État n’est absolument pas en cause. Jocelyn a bien montré que, notamment dans le milieu de la santé, la prestation professionnelle compétente n’avait rien à voir avec le port d’insignes religieux (pour le milieu de l’éducation, je serais par contre moins catégorique que lui, sans qu’il soit clair pour moi où la barre doit se situer). Ce qui m’apparaît évident, donc, c’est que la faction laïque du PQ y voit un cheval de bataille qu’elle a enfourché solidement, n’acceptant qu’une concession, le crucifix de l’Assemblée nationale, même si au final cela entache le projet d’une incohérence évidente!

    Pour résumer mon propos, je dirais que, à mon sens, le projet du gouvernement est à la croisée de 2 tendances: d’une part, le désir de chasser de l’espace des transactions étatiques le voile que portent tant de femmes musulmanes (même si ce voile n’est pas explicitement lié à l’Islam mais plutôt à une culture qui, elle, se rattache à cette religion – la nuance a ici son importance), mais comme on n’ose pas dire les choses de façon aussi « carrée », on inclut dans l’affaire tous les signes religieux, même si à l’origine le problème n’est pas religieux mais se situe au plan des relations égalitaires hommes-femmes. Et d’autre part, la pensée laïciste d’une partie des membres du gouvernement, qui profitent du fait qu’il y a une dimension religieuse rattachée à la question du voile pour pousser le bouchon aussi loin que possible afin de bannir le religieux de cet espace des relations de l’État avec les citoyens.

    Finalement, (si mon analyse est juste bien sûr) n’aurait-il pas été plus simple que le gouvernement dise: « De notre point de vue, tout port du voile est symboliquement une atteinte à l’égalité homme-femme et c’est pour cela que… », sans référence à la question religieuse, et en étant bien conscients qu’ils visaient une culture spécifique, sans y mettre tout l’enrobage religieux actuel. Et préciser au passage que toute demande d’accommodement qui porterait atteinte à ce principe serait elle aussi irrecevable (comme le givrage des fenêtres des gym).
    Bref, ne pas se situer au plan religieux, exclure systématiquement cet argument du débat, et là on aurait un vrai beau débat, sur la vraie question: jusqu’où veut-on aller, au Québec, dans le combat pour l’égalité des sexes et pour la présence ou non des éléments symboliques en cause dans notre espace visuel et transactionnel?

    Et de grâce, n’appelons plus cela la « Charte des valeurs québécoises » alors qu’on en parle que de 2 ou 3 valeurs… à moins que nos valeurs se réduisent uniquement à ces 2-3 items!

    Daniel

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    1. Avatar de Jocelyn Girard

      Merci Daniel pour cette longue démonstration à laquelle j’adhère en très grande partie. Je partage, en tant que mâle catholique, le fait de ne voir dans le voile islamique qu’un bout de tissu qui fait davantage référence à une compréhension du précepte de modestie chez les femmes (qui vient bien du Coran cependant) qu’un signe spécifiquement religieux. Par contre, un grand nombre de femmes en ont fait un signe identitaire « en public » (puisqu’elles ne le gardent généralement pas dans leur maison privée) auquel elles s’attachent au point d’en faire un élément « de conscience » qui est l’autre pendant de la liberté de religion. En ce sens, je milite pour que nous laissions ces femmes le porter et leur permettre de voir, dans la durée, s’il est toujours aussi vital pour leur existence qu’elles sont portées à le croire actuellement. De même que les femmes québécoises se sont émancipées des normes vestimentaires qui les accablaient le plus souvent, sans que cela ne leur soit imposer par quiconque, mais bien par un élan intrinsèque à leur « libération », de même les femmes portant le voile dans une société laïque et inclusive pourraient le relativiser et les générations qui suivront pourraient l’abandonner peu à peu. Cela serait plus respectueux de leur capacité à décider pour elles-mêmes au lieu de se faire imposer, par une société devenue matriarcale (!) d’être comme toutes les autres!

      J’apporte une précision sur l’histoire du YMCA. Il ne s’agit pas, techniquement, d’un accommodement raisonnable… C’est un organisme privé qui, en vertu du principe de bon voisinage, avait accepté que les vitres de son gymnase soient givrés pour plaire à leurs voisins d’en face qui en avaient assumé la charge financière. Le gouvernement n’y était pas partie prenante, ni les tribunaux. C’est la cohue générée par la médiatisation de cette affaire qui a fait reculé le CA du YMCA au point d’enlever le givrage et faire poser des stores que les clients du YMCA peuvent, ou non, abaisser. (http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/135813/accommodements-raisonnables-des-fenetres-claires-munies-de-stores-pour-le-ymca-du-parc).

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