La Cour suprême du Canada a pris récemment une décision qui a de grandes conséquences, au Québec.
C’est maintenant tranché, les dispositions du Code civil du Québec qui concernent le mariage et l’union civile respectent la Charte canadienne des droits et libertés. La loi ne sera donc pas modifiée, contrairement à ce que la Cour d’appel avait décidé en novembre 2010. Ainsi, les conjoints de fait, au moment de la rupture, n’ont pas droit aux mêmes protections que les couples mariés ou unis civilement tels que la pension alimentaire ou le partage du patrimoine familial. (Source)
Cette décision très partagée est loin de faire l’unanimité. Et avec raison. Si cette cause a été autant suivie, ce n’est sans doute pas uniquement parce qu’elle confrontait un riche milliardaire à son ex-concubine, également la mère de leur trois enfants. Disons toutefois que ce n’est pas étranger à sa médiatisation exceptionnelle. Mais c’est aussi et surtout parce que le Québec est le champion mondial de l’union de fait et que 60% de tous les enfants qui naissent actuellement sur son territoire le sont dans un contexte où il n’existe que très rarement une « convention » ou un « contrat » entre les parents. De plus, il y a une différence de 10 ans entre la durée moyenne des couples mariés par rapport aux couples en union de fait (près de 15 ans pour les mariés vs moins de 5 ans pour les concubins). Cela explique donc la vulnérabilité des conjoints, en particulier les femmes qui laissent leur travail pour prendre soin des enfants. Si les enfants peuvent quand même bénéficier d’une pension alimentaire, la mère peut se retrouver en grande précarité.
Amour ou Contrat
Comme on le voit actuellement en France, où le mariage fait l’objet d’un débat qui divise la société, en raison du projet de loi permettant aux couples gays de se marier, avec tous les avantages que cette forme d’union procurerait (patrimoine, filiation par adoption ou procréation assistée, etc.), la forme juridique qui est donnée à l’union de deux personnes est d’une importance capitale. En effet, même si au départ c’est l’amour qui réunit deux êtres, se mettre ensemble relève d’une décision qui devrait, normalement, se fonder sur des motifs plus rationnels. Faire vie commune, ce n’est pas seulement vivre ensemble parce qu’on ne voit pas comment on peut arriver à vivre loin de l’autre! C’est un projet de vie…
Au début, dans le débat qui a cours en France, j’étais surpris de voir que, même parmi mes amis catholiques, ce n’est pas tant l’amour qui est valorisé dans le mariage, mais plutôt le cadre juridique de la propriété des biens appartenant au couple, la filiation et l’héritage laissé aux enfants. On a donc beaucoup mis de l’avant la notion de contrat régi par le code civil. Au Québec, il semble que nous avons mis cela au second plan, comme si l’amour passionné du début allait toujours durer et que la rupture n’était pas envisageable… L’amour aurait cette fâcheuse tendance à faire oublier les statistiques. Moins de 5 ans en moyenne pour la durée de vie d’un couple, ce n’est pas si long dans une vie… Surtout lorsqu’on accumule maison, meubles, argent et… enfants.
Même s’ils choisissent spontanément l’union de fait, tous les couples ne sont pas forcément décrochés du réel au point de ne rien prévoir. Certains feront une convention chez le notaire. D’autres s’assureront au moins d’acheter conjointement les biens qu’ils consommeront en prenant soin d’indiquer le nom des deux acheteurs. Mais ils sont loin d’être en majorité. Pour les enfants, c’est différent… À moins que l’enfant ne soit celui d’un seul partenaire, il est normalement « partagé » en cas de rupture, incluant les responsabilités inhérentes.
Un peu de raison

Les chrétiens qui se marient à l’église préparent une « célébration de leur amour ». C’est ainsi qu’on les invite à considérer l’engagement mutuel. Mais l’Église insiste fortement et depuis longtemps, parfois sans être bien comprise, sur une bonne préparation au mariage qui permet notamment au couple d’envisager toutes les questions de la vie ensemble afin d’éviter que l’amour ne se réduise à « l’eau fraîche » de la passion. Je me rappelle, il y a déjà 28 ans, lorsque ma femme et moi avons suivi ce cours. Nous étions surpris par le nombre de questions auxquelles nous n’avions pas forcément réfléchi: la communication dans le couple, la vie en société, les amis, le travail, les loisirs, le partage des tâches, la sexualité responsable et respectueuse de l’autre, la décision d’avoir des enfants et leur planification, sans oublier la dimension spirituelle qui devient une véritable question à mesure que le temps progresse. Cela fait bien des sujets à discuter dans un couple et ça les aide à quitter pour quelque temps la fusion irrépressible qui fait suite au coup de foudre! Je me dis que cette préparation devrait servir à n’importe quel couple, encore davantage si le choix ultime du mariage n’est pas retenu.
Bref, il me semble, bien simplement, que le jugement de la Cour suprême du Canada devrait avoir ceci de bon qu’il donnera à bien des couples déjà formés et à tous les autres qui pensent à « se mettre ensemble » quelques sujets de discussion qui sont également de bonnes occasions de mieux connaître son partenaire.
Ceci dit, il existe concrètement plusieurs formes de partenariat amoureux. Je me réjouis de cette diversité. Je me réjouis également que tous les « régimes » ne procurent pas tous les mêmes avantages ni les mêmes responsabilités. Au mariage traditionnel, civil ou religieux, s’ajoutent l’union civile et l’union de fait. Chacune de ces formes porte une dose d’engagement face à l’autre selon une détermination plus ou moins forte. Entre le concubinage, sans doute « moins engageant », qui fait et défait les couples parfois si rapidement que les proches n’arrivent pas toujours à se rappeler du nom du nouveau conjoint (!) et le mariage où l’on jure fidélité jusqu’à ce que la mort sépare (!), les conjoints et conjointes ont des possibilités variées qui correspondent à ce qu’ils désirent vivre, dans la mesure où ils se sont posé les bonnes questions.
Personnellement, je me dis que si j’avais voulu me préserver pour moi-même quelques biens ou revenus, je n’aurais peut-être pas choisi le mariage sous le régime de la société d’acquêts! Pour tous les futurs couples, le fait de ne pas vouloir aller aussi loin dans l’engagement peut cacher une « réserve » face à l’autre qui devrait, en soi, faire l’objet d’une bonne discussion avant de se mettre ensemble!
Comment réagissez-vous ?