Après Plantées sur nos chemins, voici le troisième article de ma chronique “En quête de foi”, publié dans l’édition de septembre de la revue Le messager de saint Antoine.
Chaque fois qu’un étranger, même catholique, vient faire un tour par chez nous, l’une des premières choses qui l’étonne est cette litanie des saints qu’il est amené à réciter malgré lui en parcourant les routes du Québec! Notre peuple, jusqu’à la première moitié du siècle dernier, avait cette propension à dénommer tout ce qui existe à partir d’un référent religieux. Au plan de la toponymie, cela montre l’importance de l’héritage catholique comme marqueur de l’identité québécoise. Il y a les villages, mais aussi les rues, hôpitaux, écoles, monts, lacs, parcs et bien sûr les églises. On trouve parmi cette innombrable légion céleste les plus célèbres comme saint Joseph, sainte Anne et leur fille Marie sous les multiples vocables de Notre-Dame, et ensuite la multitude des saints, depuis Jean-Baptiste en passant par les évangélistes, des papes, des évêques et aussi des femmes. Enfin, nous avons des noms en lien avec la vie de Jésus ou de sa mère (L’Ascension-de-notre-Seigneur, La Visitation). Bref, ces patronymes sont si présents dans notre paysage qu’on pourrait dire avant l’heure qu’ils donnent à notre province un air de société distincte!
La communion des saints
Après la Conquête, les Anglais ont accordé le droit de culte aux habitants de la Nouvelle-France. C’est le premier « accommodement raisonnable » de l’histoire canadienne! Le Canada Français, a donc pu se développer en conservant sa langue et sa religion. Pour sa double survie, les élites politiques et le clergé ont voulu inscrire leur appartenance catholique dans le patrimoine public.
Nos ancêtres n’étaient pas très instruits et lisaient peu. Ils avaient besoin d’une catéchèse accessible. Les référents religieux inscrits dans le patrimoine civil servaient à marquer cette identité catholique à laquelle la vaste majorité appartenait. Ainsi donc, la « présence » des saintes et des saints faisait corps avec la vie de chaque jour. Chaque village avait son saint, sa sainte, sa Notre-Dame ou son événement biblique lui donnant sa couleur particulière et favorisant aussi, faut-il le dire, son esprit de clocher!
Aux yeux d’autres chrétiens, les catholiques ont développé un rapport ambivalent avec les saints, frisant parfois le blasphème, comme si les prier revenait à en faire des dieux. Ma femme dit souvent : « Les saints, c’est comme des « mon oncles » et des « ma tantes » au ciel. Ils ont chacun leur petite spécialité. Quand on a besoin, j’aime bien faire appel à l’un plus qu’à l’autre, car je connais sa sensibilité. » C’est une approche qui correspond assez bien à la mentalité familiale et communautaire de nos ancêtres : « Demande à mon oncle Albert de t’aider, lui il connaît ça les machines! » Saint Antoine, puisqu’il s’agit du patron de cette revue, aurait un don pour aider à retrouver les choses perdues… N’y voyons rien de magique, plutôt de l’expérience! Ainsi donc, prier un saint, une sainte ou même la Vierge ne revient pas à l’adorer au même titre que Dieu. Demander leur intercession révèle deux convictions : d’abord, nous croyons qu’ils sont bien vivants et qu’ils veillent sur nous; ensuite, leur proximité avec Jésus est telle qu’ils peuvent porter jusqu’à lui les demandes et les supplications qui s’élèvent de nos cœurs timides…
Comment réagissez-vous ?