Je ne voulais plus écrire sur ce sujet. Le thème de mon blogue concerne les liens entre la culture (au sens très large, incluant des sujets de société) et la foi (dans ses déclinaisons diverses). Il se trouve cependant que la culture actuelle est embourbée par une situation qui ne trouve pas d’issue et que la foi, là aussi au sens très large, s’en trouve bien malmenée…
Diviser pour régner
La démission de la ministre de l’Éducation, Mme Beauchamp, m’est apparue hier comme la chose qui devait arriver pour que des opportunités surgissent en vue d’une résolution à la crise sociale actuelle. La nomination de Mme Courchesne me paraissait jusqu’à ce matin plutôt de bon aloi, à l’exception du discours visiblement énervé hier midi du premier ministre en conférence de presse pour annoncer la démission de sa porteuse de ballon. Mais ce matin, avec la réalité des injonctions qui imposent aux directions des collèges et à leurs profs que les portes de leur institution soient ouvertes et que les cours soient donnés aux minorités d’étudiants qui s’opposent aux positions démocratiquement établies par leur assemblée étudiante; avec les escouades anti-émeutes qui poursuivent les manifestants à Montréal, je ne vois aucun signe de détente ni d’espoir pour la rencontre prévue ce soir avec la nouvelle ministre.
Ce matin, au Cégep Lionel-Groulx, la Sûreté du Québec est venue, comme à Victoriaville le 4 mai, faire place nette. Des parents s’étaient joints aux profs pour se mettre en première ligne devant les policiers, scandant « ne touchez pas à nos enfants »! Comme parent, je ne pouvais m’empêcher d’être solidaire de mes pairs qui risquaient de subir quelques coups de matraque et les effets des gaz irritants, tout ça pour appuyer leurs jeunes qui cherchaient à faire respecter le vote de grève. Tous ont appelé pacifiquement à la levée des cours. Mais ni la direction, ni le gouvernement n’a flanché. La police a fait son travail. Heureusement, pas de casseurs cette fois-ci, ce qui a permis une dispersion relativement efficace de la foule. Comment 53 étudiants pouvaient-ils ensuite entrer dans leur collège et aller s’asseoir tranquillement dans leur classe pour y recevoir leur cours, sans qu’ils aient un peu sur la conscience l’impact de leur procédure en injonction? Je ne sais pas.
Chose certaine, il semble bien que Jean Charest a laissé partir sa ministre parce qu’elle était sur le point de craquer par rapport à la ligne dure de son gouvernement. Après l’annonce de sa démission, je croyais que c’était plutôt un signe d’ouverture, mais je me suis encore bêtement trompé. Je me trompe souvent sur les intentions de ce gouvernement, car à chaque fois, j’espère que la raison finira par revenir à la surface!
Le vrai problème est le suivant: 14 semaines de grèves touchant près de 180 000 étudiants et même plus lors du sommet de mars constitue une situation jamais vue auparavant. Toutes les grèves étudiantes qui se sont déroulées dans le passé ont vu les gouvernements concernés accepter de reprendre le dialogue et considérer des compromis, quand ce ne fut pas carrément de reculer sur le principe même des hausses annoncées. Chaque fois, ça ne dépassait pas quelques jours ou quelques semaines. Jamais 93 jours comme en 2012!
Il y a tant de mensonges et de demi-vérités dans tout ce dont nous sommes témoins qu’il faudra bien du temps pour en dépecer toutes les pièces. J’imagine bien un « Tout le monde en parlait » dans 20 ans (note aux journalistes, gardez vos documents pour cette future enquête!).
Un (ultime) appel
Mme la ministre Courchesne, n’est-il pas venu le temps d’en finir? N’écoutez pas les durs qui veulent en finir par plus de violence! N’écoutez pas les gens qui ne voient dans notre jeunesse militante que des vauriens masqués nombrilistes! Écoutez votre raison et un peu votre coeur. Vous avez participé à une ronde importante de négociations qui avait tout l’air d’être une voie vers un compromis acceptable, en l’état actuel. Annoncez dès ce soir un moratoire jusqu’aux prochaines élections et présentez honnêtement à la population — ce que votre parti n’a pas fait en 2008 — votre projet de hausse et défendez-le au cours d’un combat légitime dont l’issue sera tranchée par les électeurs!
Nous sommes des centaines de milliers à espérer que tout ceci se termine depuis bien trop longtemps. Cela a assez duré. Mais la conclusion peut encore être pacifiante. Il n’en tient qu’à vous, Mme Courchesne, et sans doute un peu beaucoup à votre premier ministre qui a décidé visiblement qu’il jouait toutes ses cartes en vue du prochain scrutin sur le dos des étudiants.
Un carré blanc pour votre rencontre serait de bon augure. N’hésitez pas à l’adopter, vous aussi, pour être à la hauteur de votre responsabilité.
Mise à jour du 18 mai: À ma propre question en intitulé de ce billet, je dois encore répondre « oui » ! La loi spéciale est sur le point d’être adoptée. Les Québécois seront plus divisés que jamais. Il suffit de changer de chaîne d’informations, télé ou radio, pour entendre des choses complètement extrêmes. Bravo, M. le premier ministre !
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En complément, ce matin du 16 mai, l’excellent texte de Rima Elkouri.
Comment réagissez-vous ?