Quand les médias relaient les réflexions et les enseignements de l’Église catholique, la plupart des gens que je connais s’en tiennent aux grands titres : « Le pape condamne à nouveau la contraception » ou « Le pape condamne l’euthanasie » ou encore « Condamnation de l’homosexualité par le Vatican« . Et s’il est vrai que ces interprétations se retrouvent dans les textes des déclarations ou des communiqués qui sont émis, il est juste également qu’en ne s’arrêtant qu’aux grands titres et aux conclusions rapides, on ne peut entrer dans la réflexion qui conduit les autorités de l’Église catholique à prendre position sur des sujets délicats, souvent à l’encontre de ce qui fait apparemment consensus dans nos sociétés. Il suffit alors de dire que ces hommes religieux sont arriérés, rétrogrades ou archaïques pour éviter d’avoir à débattre sérieusement. La cause est entendue, passons à autre chose !
Changer la perception
La première perception qu’ont souvent les gens en rapport avec l’Église catholique se réduit à ses interdits. Si l’Église ne fait qu’interdire, alors l’Église est forcément une force répressive, intégriste et anti-liberté. Tout contact avec celle-ci pourrait donc nuire à la liberté, alors il vaut mieux l’éviter et en rester sur ses positions.
Dans la blogosphère et les médias sociaux, on voit de plus en plus de catholiques prendre librement la parole et proposer à leurs lecteurs de ne pas en rester à la surface des choses. Quand parfois des croyants osent discuter avec respect sur les blogues des pourfendeurs de la religion, il arrive quelquefois que ceux-ci conviennent qu’ils sont allés trop vite en besogne, à preuve cet aveu d’un blogueur : « je suis bien heureux de savoir que l’Église a adouci son discours. Mais jusqu’à ce que je lise votre commentaire, je ne le savais pas » (source). Par ailleurs, des catholiques se lancent aussi dans l’arène et développent leur attachement à l’Église et à ses enseignements (voir À travers le sacré et le gothique, et surtout la liste des blogs et comptes twitter du magazine Le Pèlerin).
En réalité, bien des gens ne savent pas que l’Église réfléchit très longuement avant d’en arriver à condamner ou interdire. En 1968, par exemple, le pape Paul VI a publié Humanae vitae, son Encyclique sur le mariage et la régulation des naissances, à la suite de cinq ans de réflexion avec une Commission d’experts internationaux. Il s’agit donc d’une réflexion approfondie sur le sens de l’amour et de la responsabilité parentale, à partir de ce que l’Église appelle la loi morale naturelle dont elle se dit être l’interprète (l’original étant attribué au Créateur). Cette encyclique avait été résumée simplement ainsi: « l’Église interdit la pilule contraceptive ». Des milliers de fidèles catholiques avaient alors exprimé leur colère en s’émancipant de l’Église, la quittant parfois avec fracas. De nombreuses femmes s’étaient senties blessées et trahies même par ce qu’elles ont jugé comme une position dogmatique mal adaptée. Mais en lisant attentivement le texte, même 43 après sa publication, on y détecte une sagesse prudente. Benoît XVI a d’ailleurs réitéré les conclusions de cette encyclique:
L’Église n’est pas ici dans la recherche d’une «solution technique», ce qui serait «plus facile». Elle traite d’une «question de fond qui touche le sens de la sexualité humaine et la nécessité d’une paternité responsable pour que son exercice puisse devenir l’expression d’un amour personnel». Conclusion de Benoît XVI : «Quand l’amour est en jeu, la technique ne peut se substituer à la maturation de la liberté.» (source)
Rien à voir, a priori, avec des interdits faciles, mais plutôt avec une recherche approfondie de sens auquel il n’est pas donné d’accéder sans se mettre soi-même en recherche, à l’image d’un John Henry Newman, qui était convaincu que de mettre sa conscience personnelle en quête sincère de la vérité ne conduit pas à un individualisme pur et donc au relativisme, mais plutôt à une objectivité (du dogme, de la morale) à laquelle on est amené peu à peu à consentir (cf. conférence de J. Ratzinger).
La sagesse de la conscience
Il est étonnant parfois de voir à quel point des recherches scientifiques viennent appuyer les positions de l’Église. Par exemple, même si aucune certitude n’existe, certaines études tendent à montrer qu’il peut exister un lien entre la pilule contraceptive et le cancer du sein. En général, quand la technique rend possible de nouvelles pratiques, nous ne doutons pas de leurs bienfaits et nous nous lançons tête première. Et si la sagesse et la prudence de l’Église à décourager certaines pratiques devenaient compatibles avec le fameux principe de précaution?
Le principe de précaution peut être invoqué lorsqu’un phénomène, un produit ou un procédé peut avoir des effets potentiellement dangereux, identifiés par une évaluation scientifique et objective, si cette évaluation ne permet pas de déterminer le risque avec suffisamment de certitude. (source)
En dernier lieu, lorsqu’il s’agit de passer à l’action, toute décision éthique ou morale est l’affaire de la conscience individuelle à qui il revient de faire les choix et de les assumer. L’Église reconnaît ce principe, mais elle rappelle à ses membres qu’ils ont le devoir d’éduquer leur conscience, car une conscience éclairée est mieux équipée pour approfondir les questions éthiques et résoudre les dilemmes moraux. Si l’Église impose à ses fidèles d’obéir à ses préceptes, ce n’est sans doute pas tant par volonté de régner sur les consciences que pour veiller à ce que la vie qu’ils mènent soit le plus en accord possible avec l’Évangile, un projet qu’ils ont fait leur par le baptême. La sagesse tirée de l’expérience du peuple juif et de 2000 ans de christianisme se trouve condensée dans les préceptes religieux qui, s’ils paraissent rigides, peuvent aussi parfois évoluer (pensons à l’interdit de la danse!). Il n’est pas exigé d’avoir une note parfaite quant au respect des préceptes, mais de se mettre sincèrement en chemin, avec une confiance inébranlable en l’amour infini de Dieu.
En 2012, un disciple de Jésus peut choisir de suivre la morale catholique avec une docilité sereine, ce qui est plutôt rare et peu en accord avec l’esprit du temps. Il peut aussi chercher par lui-même, en toute honnêteté et en considérant tous les apports, privilégiant celui du magistère, ce qui est aussi relativement rare! Ce faisant, il est probable qu’il parvienne à adhérer progressivement aux préceptes, avec l’assentiment de toute sa personne plutôt que par une soumission aveugle.
Là est sans doute le chemin d’une vraie liberté… C’est ce chemin que je préfère emprunter, en dialogue avec quiconque veut chercher avec moi.
Comment réagissez-vous ?