Ce qui suit n’est en rien une vision prophétique. Je ne suis qu’un croyant et moi-même acteur au sein de l’Église que je semble critiquer sévèrement. Mais la perspective apocalyptique du tournant de l’année liturgique, avec ces visions de fin du monde et de jugement final, m’ont inspiré ces élucubrations de mon hémisphère gauche ou droit, après une journée où un processus de consultation sur les aménagements pastoraux de notre Église nous a été proposé. À prendre assurément avec un grain de sel et surtout sans intention de juger qui que ce soit !
Dans la nuit du 22 novembre, il me fut donné dans une vision de voir le futur.
Comme partout au Québec, dans certains pays d’Europe et même aux États-unis d’Amérique, l’Église au diocèse de Chicoutimi était en grande difficulté. Les questions d’avenir provoquaient l’inquiétude et l’anxiété. Les croyants et les croyantes fuyaient les lieux de pratique sacramentelle. Les ressources pastorales en constante réduction ne savaient plus comment faire pour retenir les pratiquants, maintenir les célébrations des sacrements, répondre aux demandes vives, surtout de baptêmes et funérailles, implanter d’autres projets diocésains, rejoindre les distants, trouver du temps pour les nécessiteux, les endeuillés…
En ces temps de confusion et d’incertitude, de démobilisation et de décrochage, je vis un prophète marcher vers moi. Il se mit à parler en s’adressant ainsi aux chrétiens et aux chrétiennes de l’Église qui est au Saguenay-Lac-St-Jean.
Vous, les responsables religieux, qui avez reçu la mission de prendre soin du peuple de Dieu, que faites-vous devant l’effritement de cette Église ? Vous qui connaissez les statistiques, qui voyez la régression des moyens, qui pressentez à quel point un mur est sur le point de bloquer votre marche tranquille, ne voyez-vous pas qu’il est temps de vous humilier et de présenter le vrai visage de l’Église: démunie, désemparée, dépouillée ? Votre espérance vous tiendrait-elle dans l’aveuglement face à l’avenir qui vous attend ? Votre foi est-elle à ce point myope qu’elle vous empêche de voir l’Esprit Saint à l’oeuvre dans le monde, hors de vos cadres habituels ? Votre charité est-elle si dépourvue qu’elle ne vous permet plus de voir les véritables pauvres qui sacrifient leur dignité sur l’autel du néolibéralisme ? N’est-il point venu le temps de vous mettre à genoux et d’appeler le Seigneur à votre aide, de l’implorer de vous pardonner devant votre manque de courage ? N’avez-vous pas enfoui les cinq talents que le Seigneur vous a confiés plutôt que de les faire fructifier sous l’action de l’Esprit Saint?
Vous, les agentes et agents de pastorale laïques, n’avez-vous pas consenti trop facilement à devenir des relais d’un système religieux rejeté par le monde ? Vous qui êtes de cette génération, ne vous êtes-vous pas mis à part trop radicalement en vous croyant possesseurs d’un savoir religieux alors que la grâce vous est donnée gratuitement par votre Seigneur et le Seigneur de toutes choses? Vous qui travaillez sans cesse à répéter des démarches pour répondre à des demandes de parents éloignés de l’Église en connaissant le vide dans lequel vous abandonnez les enfants dès la fin de vos parcours, ne faites-vous pas que contribuer à la mise à mort d’un système agonisant ? Ne vous sentez-vous pas appelés à rompre avec le vieux pour vous tourner vers le neuf que l’Esprit suscite en vous et autour de vous ? N’irez-vous jamais vers le monde des humains où est enfouie la Parole de Dieu, ne demandant qu’à être révélée ?
Vous les paroissiens et paroissiennes qui persistez à fréquenter l’assemblée dominicale malgré la tempête qui bouscule l’Église, ne voyez-vous pas que la barque est sur le point de s’échouer ? Que faites-vous encore à prier alors que vos frères et vos soeurs humains souffrent de ne pas sentir la compassion et la solidarité que Dieu veut leur donner ? Vous qui vous situez de haut en regardant tous ceux qui ont quitté la barque, partis vers d’autres sources qui ne sont qu’illusions, qu’attendez-vous pour aller leur dire que votre Seigneur les aime, eux aussi, et qu’il souffre avec eux, qu’il est au milieux d’eux et qu’il vous envoie vers eux ?
Vous les croyants et les croyantes qui avez quitté l’Église parce que vous n’avez vu en elle que ses torts et ses limites, ses déviations et ses manquements, ne voyez-vous pas votre propre imperfection ? Vous crachez sur les pasteurs qui ont donné leur vie pour vous parce que certains d’entre eux ont failli. Vous les mettez tous dans le même sac pour vous éviter de voir que vous êtes, vous aussi, faillibles et bien peu meilleurs. Vous qui préférez attendre de voir ce qui adviendra de cette Église qui vous a nourris, formés, aimés et qui vous a donné les signes de la présence du Seigneur; vous qui espérez secrètement sa mort imminente, n’êtes-vous pas aussi responsables de sa déchéance? N’auriez-vous pas été utiles à son relèvement, à son retour en vie ? N’avez-vous pas lu la parabole des ossements desséchés, ces cadavres qui renaissent de leurs cendres et qui reprennent vie ? Ne voyez-vous pas que l’Église renaîtra avec ou sans vous ? Qu’attendez-vous pour aller à son chevet et lui porter secours ?
Vous les marguilliers et les responsables administratifs, qui vous mettez à calculer la rentabilité des actions pastorales et à vous réfugier dans la restauration de vos lieux de culte, vous êtes plus attachés à rénover les murs et les toitures que d’appuyer vos pasteurs et leurs collaborateurs. Ne devez-vous pas être partenaires dans leur mission de favoriser la rencontre de Jésus-Christ? N’êtes-vous que les fossoyeurs de cette Église qui se meurt, attendant de voir ce qui en restera, comme si cette mort n’était plus qu’une question de temps ? Ne seriez-vous pas les premiers intendants fidèles sur qui le Seigneur devrait compter pour voir la créativité, le génie financier à l’oeuvre pour sa plus grande gloire ? Que faites-vous donc à regarder les temples qui se désagrègent alors que l’Église nouvelle est là, tout près, à vouloir pousser dans leurs ombres ?
Après ces invectives, le prophète poursuivit en annonçant des temps encore plus tragiques.
Je vois venir des jours où cette Église perdra tout ce qu’elle avait. Ce qui en restera sera donné à d’autres qui auront fait fructifier la mission. Je vois venir, avec la bénédiction du pasteur universel, une armée d’hommes aux cols romains des continents où les vocations fleurissent. Ceux-ci viendront de partout annoncer la Bonne Nouvelle dans une Église sous tutelle. Ils apporteront l’ardeur et la ferveur nourries au feu de l’Évangile. Ils trouveront des fidèles qui reviendront peu à peu vers le Seigneur et qui célébreront l’eucharistie et les sacrements, se souciant peu du devenir du monde.
Malheur à vous qui n’aurez pas vu venir ces temps nouveaux. Votre incapacité à bâtir une Église proche de cette génération et des préoccupations du monde actuel vous vaudra cette race de prêcheurs peu enclins à s’adapter à votre culture et aux aspirations du peuple d’ici. Ils seront à la fois une bénédiction du ciel pour les âmes qui se tourneront vers Dieu et une malédiction pour tous les responsables et les acteurs pastoraux de l’ancienne Église, car là où ceux-ci auront échoué, d’autres rempliront les fossés et restaureront l’Église dans sa version abhorrée par vous. Ainsi donc, vous qui avez cru davantage à votre intelligence et à vos structures qu’à la puissance de l’Esprit Saint, vous serez laissés dans les pleurs et les grincements de dents…
Comment réagissez-vous ?