
J’ai écrit un long commentaire sur le blogue juridique de Me Véronique Robert, où elle explique clairement les tenants et les aboutissants du non-lieu dans la cause de Nafissatou Diallo contre Dominique Strauss-Khan. Compte tenu du sujet, j’ai choisi de reprendre et développer ici, sur mon terrain. Dans un passage de son article, Me Robert dit :
La culpabilité ou la non-culpabilité morale de Dominique Strauss-Kahn ne relève pas du droit, ni même de la justice, elle relève de Dieu.
De fait, un procès ne sert en rien à juger de la valeur des personnes, en l’occurrence:
- une « pauvre » mère monoparentale, femme de ménage, immigrante sur des bases douteuses, noire aux États-Unis et ayant des relations suspectes, d’une part;
- un homme extrêmement riche, un « puissant » qui ne manque d’aucun moyen et dont les antécédents pourtant connus ont toujours été balayés, d’autre part.
Dans un monde idéal, les chances de convaincre un jury ne devraient porter que sur une seule chose : la parole de la plaignante vaut-elle la parole de l’accusé? Si oui, les faits sont largement en faveur de la femme, puisque le rapport sexuel avec éjaculation du présumé agresseur est établi. Consenti ou non, c’est donc la seule question qui permet de tracer la ligne entre un crime et une (pas si) banale passe.
Des chances inégales
Je suis toujours outré de voir à quel point le passé d’une victime réelle ou la manière dont elle arrive à sortir du placard pour accuser son agresseur a une incidence dans la perception du public. Pensons à Nathalie Simard, artiste qui a connu ses moments de gloire au Québec. Il s’en est trouvé plus d’un pour estimer qu’elle était en recherche d’argent ou de sympathie. On l’a jugée sur le temps qu’elle a mis pour dénoncer, sur les activités probablement frauduleuses avec son partenaire, sur son désir de revenir à l’avant-scène, etc. Que tout ceci puisse être vrai, il n’en reste pas moins qu’elle avait été victime d’agressions sexuelles. [modifié: Son agresseur a plaidé coupable, anéantissant sa propre notoriété, le forçant après sentence à une réclusion toute méritée.]
Cyrus Vance n’a plus eu confiance en sa plaignante. Mais les avocats de cette dernière, non moins sérieux, ont voulu qu’un procureur spécial soit désigné pour qu’un regard nouveau soit posé sur cette affaire. Selon ce que j’en comprends, Me Vance n’a pas simplement laissé tomber les accusations devant la faiblesse des preuves, mais plutôt devant la faiblesse de sa victime mal outillée face à la toute-puissance et les moyens disproportionnés du présumé agresseur. Évaluant son rapport de force et de persuasion, Cyrus Vance s’est mis K.O. lui-même avant de monter sur le ring. J’aurais aimé, pour que la justice n’attende pas le jugement divin, qu’un procureur spécial soit désigné et qu’une autre opinion soit portée sur cette affaire. J’aurais souhaité qu’un jury soit exposé aux faits, aux explications, aux incohérences des deux parties en présence. Là, devant un éventuel acquittement, je me serais dit que la justice a suivi son cours.
Un paradis sur terre ou un billet pour le ciel
Devant la fatalité d’un procès avorté, oui, je m’en remets à Dieu comme nous y invite l’avocate blogueuse, mais celui auquel je crois est un Dieu de pardon. Je n’ai donc pas trop de craintes pour DSK, car la vie ou la mort le conduira un jour à la vérité sur lui-même et par cette vérité reconnue, l’homme repenti pourra courir dans les bras du Père, tout comme le fils prodigue. Mais DSK, au contraire de l’histoire racontée par Jésus, aura quand même récupéré son paradis terrestre.
J’ai davantage de souci pour la vie présente de la plaignante, car elle a été privée de toute sa dignité. Sa vie relève désormais du pire cauchemar, un enfer sur terre. Je lui souhaite donc et je prie pour que Dieu suscite autour d’elle des élans de solidarité et de compassion afin de l’aider à réintégrer peu à peu cette dignité qui donne à un homme ou une femme son caractère humain, au sein d’un cercle de gens qui auront compris dès à présent où loge la vérité.
Comment réagissez-vous ?