C’est le cinquantième billet que j’écris sur ce blogue. Lancé une première fois le 7 septembre 2010, j’ignorais comment les choses se dérouleraient. Je ne savais pas trop de quoi parler, sauf de ce que je connais un peu, et cette passion pour tout ce qui permet de lier la culture et la foi, les deux pris au sens large .
J’avais intitulé mon premier billet « Tout commence par une première fois ». Je peux dire, 50 fois plus tard, que je me suis pris au jeu… En réalité, je n’ai pas du tout l’impression d’avoir écrit près de 150 pages. C’est plutôt comme si je n’avais commis que le texte de la « dernière fois ». Je veux dire par là que chaque nouveau billet est un processus différent tel que ce fut la première fois. Je ne me sens donc pas comme un blogueur qui aurait accumulé quelques dizaines d’articles. Je suis simplement un récidiviste de la première expérience. Malgré tout, et c’est sans doute paradoxal, le fait de reprendre l’écriture un peu plus d’une fois par semaine m’a procuré quelques prises de conscience que je souhaite partager humblement et en toute transparence.
Écrire un billet est plus difficile que je pensais. Il faut écrire pour quelqu’un, pour un public-cible. J’avais en tête un blogue axé sur le dialogue. Je souhaitais m’adresser surtout à des gens qui n’ont pas beaucoup de liens ou d’activités avec le monde des églises et de la foi chrétienne. Non pas que ces gens-là ne devraient pas lire mes articles, au contraire, mais parce que, généralement, ils seraient plutôt d’accord avec ce que j’y exprimerais. Je ne crois pas avoir vraiment atteint ma cible, même si je ne connais pas la portée d’un billet lorsqu’il est retransmis par d’autres. Ceux et celles qui m’en parlent ou qui laissent des commentaires sont majoritairement des amis et collègues ou des gens qui partagent plus ou moins la même foi. Il y a aussi plusieurs blogueurs ! Peut-être que, comme eux, en écrivant un blogue, je me suis mis à développer un intérêt réel pour ceux des autres. Parce qu’en traitant un sujet, on aime savoir ce que d’autres en pensent et comment ils l’abordent.
Les points positifs
J’ai beaucoup aimé écrire, même si à chacune de ces « premières » fois, ce fut difficile de coucher les premiers mots, qui de toute façon ne résisteraient pas à la première relecture. Voici ce que je pense avoir retiré de positif en faisant cet exercice régulièrement :
Une remise en forme intellectuelle. Après avoir occupé des postes qui mettent principalement en œuvre des qualités d’action et de décision, c’est assez déconcertant de commencer à réfléchir avec le projet d’écrire sur ce qu’on réfléchit. Je pense que, avec le temps, l’expression vient plus aisément. Un ami a eu raison de m’encourager à me lancer il y a quelques années…
- Une identité plus manifeste. Dans certains billets, j’ai pris position sur fond de controverse en assumant ce que je pense réellement. Ce n’est pas toujours si simple d’exposer sa pensée et d’attendre les répliques. Chaque fois, cela me donne un sentiment d’être moi-même, d’avoir le droit de revendiquer une place, même si c’est une goutte d’eau dans un océan… Ce processus de croissance personnelle s’accomplit par un « j’aime » qui confirme ou par un commentaire divergeant qui ouvre un dialogue. J’ai l’impression d’avoir grandi en 50 fois.
- La durée de vie. Certains billets continuent d’attirer des visites plusieurs mois après avoir été écrits, grâce aux moteurs de recherche qui prennent la relève après l’actualité d’une nouvelle publication. Cela donne à réfléchir sur la pérennité de sa propre pensée qui, habituellement, n’est jamais totalement fixée. J’ai donc dû revenir parfois sur des textes publiés pour les actualiser ou pour offrir d’autres liens pertinents.
- La création de liens. J’avais quelque peu ignoré Facebook, Twitter et les autres médias sociaux. Mais pour faire connaître un blogue et participer à la vie « communautaire », j’ai compris qu’il faut y être pleinement. Au-delà du nombre d’ »amis » ou de « suiveurs », je crois avoir développé quelques liens qui sont vrais et des affinités rafraîchissantes avec des gens d’horizons divers. Nous vivons vraiment dans un monde interconnecté et, avec quelques-uns, je parviens à communiquer d’une façon qui devient peu à peu plus familière. Il est faux de prétendre que les relations et la communauté des internautes ne sont que virtuelles, car ce sont bel et bien des personnes que je crois rencontrer au-delà des écrans respectifs.
Les points « à travailler »
Tout n’est jamais parfait. J’en sais quelque chose, même qu’il m’a fallu plusieurs expériences pour m’en faire une raison ! Voici donc quelques points plus difficiles en rapport avec l’écriture d’un blogue et plus embarrassants à partager:
Une forme de dépendance. Un spécialiste des réseaux sociaux, à propos de la manière de réussir un blogue, disait ceci: « si vous voulez rester vous-même, ne regardez jamais les statistiques ». Ça, c’est très dur. N’écrit-on pas pour être lu? Lu abondamment est mieux que moins. Je ne sais pas pour d’autres blogueurs, mais je me suis vraiment pris à regarder fréquemment, trop fréquemment, la page des statistiques. Je suis toujours déçu, frustré même, de constater qu’il faut parfois plusieurs heures avant qu’une « vue » sur une page de mon blogue soit enfin comptabilisée. L’effet compte-goutte est ravageur autant que le succès d’un seul billet. Ça devient même compulsif ! Suis-je le seul à vivre ainsi ce besoin névralgique de vouloir que mon blogue soit en augmentation de trafic ? Les régressions sont de vraies petites tragédies personnelles. Quel égo, direz-vous, avec raison ! Je n’avais pas ressenti un tel besoin « d’être aimé » depuis longtemps. Faut vraiment que je me soigne…
- Besoin d’être reconnu. Dans la même veine, faire partie d’un club sélect est une forme d’aboutissement recherché naturellement par l’être humain. Lorsque j’ai découvert le nombre de blogueurs qui jouent dans la même sphère, et qui font beaucoup mieux en terme d’audience, j’ai désiré secrètement appartenir à ce groupe. Dans ce monde-là, la reconnaissance va au nombre de « hits » sur sa page… J’ai détesté ce sentiment d’avoir encore, à mon âge, à vivre comme le jeune nouveau qui cherche la bonne façon d’entrer dans le club des grands, mais qui n’a pas les moyens de ses ambitions… Comme quoi, les vieux démons de notre enfance resurgissent parfois dans des situations nouvelles.
- Le sentiment d’attachement. Quand j’ai commencé à « exister », à voir grandir un certain intérêt pour mon blogue, une pression s’est développée peu à peu… Il faut écrire avant que les lecteurs nous oublient, avant que les visites se fassent de plus en plus rares. Pour rester en lien, je me suis mis de la pression à produire et à écrire plus souvent, à chercher des sujets à traiter. Je n’ai rien écrit que je regrette ou que je n’aurais pas assez léché, mais plusieurs billets n’ont pas vraiment marqué. Ils sont comme quelques gouttes qui se perdent dans l’océan: peu lus, peu connus, inexistants. Je me suis peut-être attaché à mon « public » au point d’en devenir servile. C’est pourtant en toute liberté que j’ai voulu prendre cet engagement d’aller à sa rencontre. Je dois retrouver cette liberté pour ensuite éprouver à nouveau du plaisir à écrire, non pas comme si cela m’était un rendez-vous forcé.
- « L’effet groupé ». Si vous additionnez tout ce qui précède et ajoutez les autres réseaux (Twitter, Facebook, LinkedIn et j’en passe), vous obtenez un effet groupé qui ne peut que pousser votre femme à vous demander pourquoi vous êtes toujours devant ce petit écran plutôt que d’être présent avec ceux qui sont là. Elle a bien raison de poser la question…
Il y aurait bien d’autres choses à écrire, mais il est probable que peu d’entre vous se rendront jusqu’ici, encore moins plus loin! Je prends donc une résolution en terminant : je quitte mon blogue pour quelques semaines. Je le quitte dans l’esprit de mon dernier premier billet qui est une invitation que je me suis adressée à moi comme à vous, à mettre de la spiritualité dans ses vacances. Je choisis la privation comme moyen de décrocher. Je vais me priver de mon blogue et de vous. Je vais tenter d’y venir le moins souvent possible. Cela me fera du bien, me redonnera peut-être de la liberté et, qui sait ? me préparera à recommencer quelque part en août, une nouvelle première fois… Alors bon été à tous et à toutes!
Comment réagissez-vous ?