Chaque fois qu’une nouvelle traduction de la Bible est annoncée, j’ai toujours le réflexe de me demander « mais qui donc ça peut intéresser, aujourd’hui? » Et je me réponds : il y a encore des spécialistes (exégètes), des théologiens, des ecclésiastiques, des chrétiens évangéliques, etc. Mais cela ne suffit pas à rendre compte des milliers, voire des millions d’exemplaires de la Bible qui se vendent encore et encore, même de nos jours. Étonnant, quand même, lorsque chez nous, au Québec, ces livres ont le plus souvent été jetés ou donnés aux puces quand ils ne vieillissent pas au fond des bibliothèques. Je doute fort que c’est ici, en tout cas, que les éditeurs font leurs meilleures ventes!
Les éditeurs de la T.O.B. (Traduction œcuménique de la Bible) viennent de publier, fin 2010, une « autre » nouvelle édition de ce livre. Peu importe les lieux que vous fréquentez, il est probable que vous soyez déjà tombé sur l’un des nombreux formats édités de la première TOB de 1975-76. La nouvelle Bible TOB a été entièrement revue, des mots ont été actualisés et les notes en ont été révisées et augmentées.
Mais cette nouvelle présentation est surtout caractérisée par le fait qu’elle est vraiment œcuménique : la pensée des orthodoxes y est importante et se manifeste par l’adjonction de livres dont protestants et catholiques, tout en les révérant, ne pensent pas qu’ils soient « inspirés ». Mgr Michel Dubost
Voilà l’essentiel des nouveautés de la nouvelle édition. Mais ce n’est pas tant cette édition-là qui me fait commettre un billet que le fait d’une popularité si remarquable et si constante depuis la toute première version imprimée par Gutenberg en 1455.
Pourquoi un tel succès ?
Si la recette était connue, il y a fort à parier que les éditeurs l’aurait exploitée depuis longtemps pour d’autres ouvrages! Il doit bien cependant y avoir quelque chose en rapport avec la quête de sens et de vérité. Je me souviens de discussions avec l’un de mes fils, assez rébarbatif à toute explication religieuse de la vie, à cette période. Pour lui, la Bible ne pouvait pas être vraie car on n’avait aucune preuve de ce qui y était avancé. Il était dans cette veine de vouloir des preuves pour vérifier la validité de toutes les affirmations, y compris celles de ses parents. Pas de preuve, pas vrai ! Même ses bêtises n’existaient pas tant qu’on en trouvait pas les preuves ! Sans s’en rendre compte, mon fils traduisait assez justement les préoccupations contemporaines face au phénomène religieux : « donnez-nous des preuves ! »
Si votre dieu peut laisser faire toutes les guerres, meurtres, génocides, catastrophes naturelles, abus d’enfants, viols, abandons, etc. sans broncher, c’est donc qu’il n’existe pas ou bien qu’il ne mérite pas la foi qu’on pourrait lui confesser!
Ce n’est pas le lieu pour le moment de discuter de ces reproches qui planent partout où l’on éprouve de la déception ou de la colère face à un Dieu réputé tout-puissant. On peut toujours relire un billet précédent…
En fait, la Bible continue de susciter une grande fascination, même quand c’est par la négative. C’est un livre respecté par l’ensemble des gens modérés de toutes traditions religieuses. Un livre vénéré par les chrétiens de toutes confessions qui le considèrent comme Parole de Dieu, avec des accents et souvent des divergences quant aux différentes manières d’aborder ses « vérités ». Par exemple, les chrétiens fondamentalistes en feront une lecture plus littérale, citant abondamment les passages qu’ils connaissent souvent par cœur pour étayer leurs points de vue sur la vie et la morale chrétiennes. Les catholiques y verront la source de leur foi à partir de « témoignages » authentiques d’une histoire sainte, en particulier celle du Dieu d’Abraham, de Moïse, de David et surtout de Jésus et de ses disciples qui ont écrit après sa mort. C’est à partir de ces témoignages qu’une tradition deux fois millénaire s’est développée. Si tant de divergences existent à propos des manières de lire la Bible, alors comment peut-on continuer d’affirmer que ce qu’on y lit puisse être vrai ?
Tout est vrai…
Mon professeur de Bible, Marc Girard, surprenait tous ses étudiants dès le premier cours en déclarant: « Tout est vrai, dans la Bible, mais pas comme on pense. » Les nombreuses études conduites par des scientifiques ont peu à peu démystifié, voire démythisé le texte. Mais même en tenant compte de l’éclairage des sciences humaines, les croyants continuent d’y lire une vérité pour la conduite de leur vie présente et l’espérance d’une vie éternelle.
Comment font-ils? Il existe plusieurs méthodes de lecture. On peut ouvrir le livre tout simplement, en se laissant toucher ou interpeller par un passage ou l’autre, qu’on peut ensuite laisser « travailler » en soi au cours de la journée. On peut tenter de repérer les couches rédactionnelles selon une approche historico-critique (Eh oui ! Tout n’aurait pas été écrit d’une seule traite !) pour mieux percevoir les intentions des auteurs face à leurs auditeurs primitifs et subséquents. On peut aussi utiliser une approche sémiotique, plus moderne, qui voit dans l’exercice de lecture comme tel, une contribution à l’émergence de la signification du texte. On peut encore faire une lecture en groupe, de manière communautaire, et s’éclairer mutuellement sur ce que le texte éveille en nous et comment il nous met en route ! Bref, il existe une multitude de façons d’aborder la Bible et elles sont valables dans la mesure où elles nous introduisent dans une compréhension pour aujourd’hui des mystères qui y sont révélés et qui ont une portée réelle sur nos valeurs, nos choix, nos actes.
Si on va au-delà de son caractère ancien, on peut voir la Bible comme un livre vivant qui incite des milliers et des milliers de personnes à l’ouvrir à y plonger. Faites un essai, vous verrez à quel point on peut être totalement accroc dès qu’on se laisse aller à ouvrir et à lire. Et si tout vous semble compliqué, n’abandonnez pas immédiatement. Rejoignez plutôt un groupe ou prenez un cours qu’on offre dans plusieurs centres de formation. Peut-être alors deviendrez-vous l’un ou l’une de ces chercheurs qui fouillent le livre afin d’y puiser ce qu’il faut pour marcher dans l’histoire, la leur et celle de l’humanité, et mieux comprendre le sens de leur présence en ce monde. Bonne lecture !
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