Note de l’auteur: depuis la publication de cet article, le sujet des « études sur le genre » est devenu plus présent et plus accessible. Ma propre compréhension a évolué par rapport à ces études. J’en fais part dans un nouveau billet publié en juin 2013.
Grand débat en France : on vient de prendre conscience qu’une approche basée sur la théorie des genres (gender studies) avait fait son chemin jusque dans les manuels scolaires du cours Sciences de la vie et de la terre à l’intention des étudiants vers la fin de leurs études secondaires. Cette théorie, érigée parfois en idéologie, est largement répandue notamment dans les structures liées à l’ONU (cf. UN Women). Plus récemment, le Conseil de l’Europe vient d’utiliser la notion de « genres » dans sa Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Dans son article 3c la Convention stipule :
Le terme « genre » désigne les rôles, les comportements, les activités et les attributions socialement construits, qu’une société donnée considère comme appropriés pour les femmes et les hommes.
Si on se place naïvement dans ce débat en lisant simplement cette définition, il n’y a pas matière à s’indigner. Toute personne sincèrement attachée à la défense des droits des femmes voudra promouvoir cette vision qui va au-delà de l’égalité entre les hommes et les femmes en supprimant toute différence et donc toute forme de discrimination. Mais le terme « genre » utilisé au lieu de « sexe » (féminin et masculin) relève d’une école de pensée dont les présupposés philosophiques et anthropologiques sont plus subversifs qu’on peut le déceler à première vue. « Il s’agit de déconstruire toutes les normes symboliques et fonctionnelles renvoyant à la complémentarité des sexes » (source).
Dans ce nivelage, la différence corporelle, appelée sexe, est minimisée, tandis que la dimension purement culturelle, appelée genre, est soulignée au maximum et considérée comme primordiale (…) Selon cette perspective anthropologique, la nature humaine n’aurait pas en elle-même des caractéristiques qui s’imposeraient de manière absolue : chaque personne pourrait se déterminer selon son bon vouloir, dès lors qu’elle serait libre de toute prédétermination liée à sa constitution essentielle. (Congrégation pour la doctrine de la foi, Lettre aux évêques de l’Eglise catholique sur la collaboration de l’homme et de la femme dans l’Eglise et dans le monde, 31 mai 2004.)
L’évolution propre à l’espèce humaine lui donnerait d’être, grâce au développement du cortex cérébral, indépendante des caractéristiques biologiques de son corps. Ainsi, notre corps d’homme ou notre corps de femme, ne constituerait pas un déterminant pour notre genre masculin ou féminin, et encore moins pour notre orientation sexuelle. Tout serait affaire de culture et plus ou moins de contraintes parentales et sociales, mais également de désir. Nous « choisissons » les manières d’être et de nous comporter qui vont dans le sens d’une différentiation sexuelle. En luttant contre l’imposition de modèles externes, l’être humain peut librement choisir ce qui lui convient et donc s’autodéterminer en matière de genre, qu’il soit masculin, féminin ou ni l’un ni l’autre…
Le plus petit dénominateur
Cette théorie est, semble-t-il, de plus en plus adoptée par les groupes de recherche et de défense des gays, lesbiennes et transgendre, à l’encontre des théories psychanalytiques et psychogénétiques. Ces groupes tentent de faire partager par la majorité hétérosexuelle une vision qui leur permettrait d’être totalement intégrés à la société jusque là fondée sur la différence des sexes. C’est la séparation des sexes qui conduit, entre autres, à une compréhension des fondements de la société basés sur le couple (homme-femme) et la famille. On peut aisément comprendre leur démarche.
En fait, quand tous les humains sont ramenés à un seul dénominateur qui est d’être un potentiel humain, en devenir, tous les choix d’exister d’une manière déterminée ou non deviennent possibles. Un garçon peut choisir d’être une fille et plus tard une femme ou demeurer dans un état indéfini, ou encore de prendre les caractéristiques culturelles attribuées aux hommes. Il en est de même pour les filles. Les avancées technologiques et scientifiques, notamment en médecine, dans cette perspective, doivent donc être mis au service des personnes qui veulent se vivre autrement en adoptant les caractéristiques de l’autre genre, ce qui est plus courant, ou même en se définissant asexuées. Les femmes sont aussi libérées de la maternité, car ce rôle étant essentiellement culturel, la technologie devrait permettre incessamment de leur éviter la grossesse en la « déléguant » à un utérus artificiel. De même, un homme voulant adopter le rôle social de mère pourra se voir greffer un utérus pour vivre selon son choix. C’est très grossier comme explication, mais quand on considère les conséquences de cette approche de déconstruction anthropologique, ce sont des exemples probables.
Et la génétique?
Quand je regarde une personne avec mes yeux, je vois quand même des caractéristiques sexuées qui montrent bien explicitement des différences entre les hommes et les femmes. Suis-je le seul ?
Il y aura toujours un individu XY et un autre XX, les jeux hormonaux qui vont avec, et les différenciations sexuées issues de ces deux chromosomes qui font toute la différence entre un homme et une femme. (Commentaire de Dorine sur Liberté politique.org)
À l’occasion de l’adoption de notre cinquième enfant, le généticien qui avait procédé à des tests avait révélé ceci à ma femme: la science génétique permet aujourd’hui d’affirmer qu’au moins 40% de notre construction psychique est d’origine génétique et 60% relève de notre éducation et des influences sociales. En ce qui me concerne, dans le 40%, il y a bel et bien l’apport des chromosomes qui font que mon corps est devenu celui d’un homme, que ce soit ou non mon choix.
La première différence évidente est d’ordre corporel – la personne EST son corps. Le donné biologique de l’homme et de la femme n’est pas construit socialement ou culturellement : c’est un donné de nature. Si bien qu’à la naissance, le nouveau-né n’est pas neutre, mais il est une fille ou un garçon. Ce donné de nature ne prédispose pas automatiquement à un rôle préétabli par la société sur le plan social ou professionnel. Mais, il prédispose la femme à être mère, c’est-à-dire à porter l’enfant, et l’homme à être père. (Source)
Quand plus rien ne nous distinguerait, quand tout serait rendu pareil, quelle serait la place de l’autre?
À la faveur des lois réprimant l’homophobie, le respect de la nature devient un tabou. En lieu et place, apparaît un constructivisme fondé sur le seul désir, légalement et socialement reconnu dans sa toute-puissance. C’est le désir qui détermine l’orientation sexuelle, et lui seul. Cela conduit à une définition changeante et indifférenciée de la personne, libérée non tant de gênantes contraintes morales que du poids insupportable qu’impose la condition d’êtres finis et sexués. Il suffit désormais de “vouloir être” pour être ce que l’on veut. (Jeanne Smits Source)
Il me semble que tout en cherchant à bâtir une société inclusive où tous et toutes, quelle que soit leur orientation sexuelle, pourront trouver une place dans le respect de leur dignité propre, nous pouvons continuer à chercher l’essence même de notre humanité. Pour les chrétiens, la définition de l’humain se trouve en Dieu qui l’a créé à son image et à sa ressemblance: homme et femme il les fit (cf. Genèse 2). Toute la beauté de ce texte réside dans une vocation inestimable : nous sommes différents et nous recevons la responsabilité de donner à cette différence la merveilleuse espérance de pouvoir également devenir un, sans fusion ni confusion, comme dans la Trinité divine. Pas si simple, hein ? Voilà pourquoi il convient de passer sa vie à tenter de faire advenir cette unité de l’homme et de la femme par des relations de réciprocité qui célèbrent l’unicité et la différence. Et si on s’y mettait, maintenant ?
Des liens pour approfondir les positions…
Une vision chrétienne (surtout catholique), et plus naturellement contre :
- Une lettre publiée dans le journal Le Monde, qui interpelle les femmes en particulier par François-Xavier Bellamy.
- 3 minutes pour convaincre, par Pierre Gros-Jean, prêtre
- un édito sarcastique qui ne trompe pas de Henri Le Barde
- un article dans la série « Objections » de Jeanne Smits
- une entrevue avec un prof de biologie
- le blog « Théologie du corps » ou l’auteur traite en profondeur du mélange des genres
- Un article commentant une recherche récente sur l’ADN qui démontre que caractère sexué de chaque cellule humaine
Des articles d’horizons divers pour ou contre la théorie des genres
- Une contre-réaction de la part d’un syndicat d’enseignants (pour)
- Une réaction de militants « laïcs et républicains » (contre)
- Une démonstration favorable, à partir de la foi chrétienne
- Un billet qui pointe la peur des chrétiens devant une théorie fondée sur l’observation
- Un billet d’humeur d’un enseignant du genre.
Comment réagissez-vous ?