Du 13 au 20 mars, le Québec souligne la Semaine québécoise de la Déficience intellectuelle (SQDI).
L’Association québécoise pour l’Intégration sociale (AQIS), avec l’ensemble des associations régionales affiliées, fête également ses 60 ans d’existence. Le chemin parcouru durant ces années vers une plus grande intégration des personnes vivant avec une déficience intellectuelle est énorme. Dans les années 1950, la plupart d’entre elles vivaient en institution dans des conditions souvent peu enviables ou encore « cachées » dans la maison familiale. Le film Babine de Luc Picard, sur un scénario de Fred Pellerin, a bien montré que le fou du village est souvent celui qui se révèle le plus sage de tous.
Il a fallu du temps pour prendre conscience que cette douce folie conduit à plus de sagesse, à plus de chaleur dans les relations, à plus d’humanité. Les intervenants, les fratries, les parents, bien sûr, mais aussi les personnes qui, de manière gratuite, sont entrés en relation avec ces autres qui présentent une déficience intellectuelle, souvent marqués par des signes génétiques, ont bien compris, dans ce compagnonnage, qu’ils auraient manqué quelque chose d’essentiel s’ils n’avaient pas fait cette rencontre-là dans leur vie. Prenez la peine de visionner le témoignage de Vincent-Guillaume Otis pour « mesurer » à quel point la vie avec son jeune frère l’a conduit à être l’homme et le papa qu’il est aujourd’hui.
Un combat inachevé
Les parents qui font le pari de mettre ces enfants au monde et de les garder sont des êtres « normaux » avec des cœurs d’exception… Ils s’engagent corps et âme dans l’accompagnement et le développement de leur enfant. On peut difficilement imaginer le nombre de séances thérapeutiques et de suivis de toute sorte pour aider un jeune à développer son plein potentiel. Entre les ergo, les physio (ou kiné), les psychoéducateurs ou éducateurs, les médecins spécialistes, les pédopsy, quand ce n’est pas aussi les osthéo, les orthopédistes, les orthophonistes. En fait, je suis en train d’énumérer, pour vrai, ce que nous-mêmes avons dû faire comme démarches auprès de tous ces professionnels pour nos deux fils qui présentent une déficience intellectuelle. Celui qui est déjà adulte à 21 ans, vit dans une ressource d’hébergement à Montréal. Il est bien pris en charge et reçoit tous les soins qu’il faut pour son confort. Mais le plus dur, comme parent, c’est de voir que son enfant ne parvient pas à développer des liens gratuits d’amitié. Vous ne pouvez pas savoir à quel point c’est merveilleux pour un parent de voir se développer un lien qui n’est pas de type aidant-aidé avec son enfant. Celui-ci pourrait, à la limite, ne connaître que ce type de relations dans sa vie, hormis celle toujours unique qu’il vit avec ses parents. Ce serait triste pour lui, mais plus encore pour ceux et celles qui auront manqué cette chance de le connaître et de l’apprécier au-delà des limites qui le précèdent comme une escorte dont on ne voudrait pas.
Alors je soumets ceci : oui, c’est vraiment extraordinaire tous ces pas qui ont été accomplis par les associations et les centres de réadaptation du Québec pour l’intégration sociale; oui, nous sommes une société qui prend bien soin de toutes ces personnes, même si, ici aussi, nous avons tendance à ne plus souhaiter qu’elles naissent quand c’est possible de l’éviter; oui, il existe une vraie panoplie de services adaptés à leur condition; oui, elles contribuent à donner du travail à un groupe important de spécialistes; oui, aussi, nous nous exclamons une semaine par année devant leurs talents dans l’expression artistique… Tout cela est vrai. Mais il manque souvent l’essentiel à ces personnes isolées par leur handicap: des relations vraies, de l’amitié.
Il existe bien quelques associations et mêmes des communautés comme L’Arche de Jean Vanier et Foi et lumière qui vont dans cette direction, mais c’est encore l’exception. Les services d’accompagnement comme les parrainages civiques proposent de telles opportunités en jumelant des personnes présentant une déficience intellectuelle à un « parrain » ou une « marraine » intéressée à s’engager. Parfois, la relation se transforme en véritable amitié. Il faut entendre les témoignages vécus et transmis par ces « privilégiés » qui ont su voir au-delà du handicap la personne extraordinaire qu’ils ont commencé à côtoyer et qu’ils ne voudraient plus perdre… La véritable intégration commence lorsque la personne que l’on intègre devient vraiment membre, partie prenante du groupe qu’elle intègre. Cela commence par des amitiés à deux ou trois.
C’est pourtant si simple
Le comédien Vincent-Guillaume Otis est le président d’honneur de la SQDI. Le Québec entier est tombé sous le charme de Babine, un rôle qu’il a interprété avec beaucoup de finesse et de sensibilité dans le film qui a connu un grand succès. Monsieur Otis connaît bien la déficience intellectuelle puisqu’il a un frère qui a des limitations cognitives. Ce comédien de talent est un témoin privilégié de la place que les personnes qui vivent avec une déficience intellectuelle peuvent avoir dans nos vies et l’impact positif de cette ouverture à la différence. Je vous invite à visionner cette vidéo où il partage quelques bribes de son expérience et de sa reconnaissance envers son jeune frère. Voir aussi le site persona grata qui met à l’avant-plan des personnes ayant un handicap et qui parlent d’elles-mêmes. À la suite de ceci, vous donnerez-vous cette chance inestimable d’aller à la rencontre de la différence et de la célébrer ?
Comment réagissez-vous ?