Les dernières heures avant Noël ne sont jamais reposantes. Personne ne peut échapper aux courses folles pour parvenir à réunir à temps aliments, décorations, cadeaux et autres objets utiles afin que tout soit comme il faut pour le bonheur total !
Mais qui peut affirmer sans risque que ce Noël-ci sera parfaitement joyeux ? Il y a tous ces « mais », ces « peut-être que », ces « j’aurais dû », ces « va-t-il apprécier? », même ces « pas vraiment le choix », bref, tous ces regrets et ces incertitudes qui traînent quelque part dans notre conscience et qui, cette année encore, viendront sans doute un peu parasiter notre quête du jour parfait.
La quête du bonheur commence dans la rencontre. En général, on cherche le bonheur auprès d’un être à aimer et de qui être aimé. Quand ces deux conditions sont réunies, les enfants sont une option plus que probable et le couple devient famille. Mais il arrive aussi que les enfants viennent alors que l’amour conjugal n’est déjà plus là ou qu’il est en voie de s’éteindre. Qui, au cours de l’année, peut affirmer sans hésiter que le bonheur est total et permanent dans sa famille? Parlons-en un peu, notamment des jeunes enfants. Les récentes statistiques montrent que
les unions des jeunes parents se font et se défont à la vitesse grand V. À peine à la maternelle, plus d’un enfant sur quatre a déjà vu ses parents se séparer ou reformer une union, 15% des enfants ont connu au moins deux épisodes du genre et 5% en ont vécu jusqu’à trois. […] Ainsi, pour ce qui est des modes de garde au moment de la séparation, 66% des enfants vivent avec leur mère, 31% sont en garde partagée et à peine 3% vivent avec leur père. À la maternelle, parmi les enfants dont les parents sont séparés, un enfant sur cinq ne voit carrément jamais son père. D’ailleurs, 12% des mères ont déclaré que leur relation avec leur ex-conjoint était mauvaise ou très mauvaise. Silvia Galipeau, journaliste à La Presse
Silvia Galipeau cite Élise Mercier-Gouin, psychologue au centre jeunesse de Montréal : «Ce qui me préoccupe, c’est quand j’entends que 20% des enfants ne voient plus leur père. Si un enfant perd un parent, il perd un des éléments de protection à la base de son développement personnel», dit-elle. La journaliste continue : « Mais ce n’est pas parce que les parents sont encore ensemble que le portrait est plus rose. L’étude révèle en effet que 25% des enfants de maternelle ont au moins un parent qui éprouve des difficultés conjugales importantes. En clair, cela revient à dire qu’au moins 50% des enfants, avant leur arrivée à la maternelle, auront vécu des situations traumatisantes qui ont des conséquences sur leur développement.
On a la preuve qu’au moins la moitié des familles sont ou ont été éprouvées dans les mois qui viennent de s’écouler. Les séparations ou les difficultés conjugales entraînent des tensions chez les adultes, mais plus encore chez les enfants. Tout le monde est touché, même les grands-parents, quand ce n’est pas les magistrats ! Devant ces statistiques, Silvia Galipeau interroge ses lecteurs dans son blogue, la Mère Blogue : « Pourquoi tant de détresse? Et surtout, comment en minimiser les impacts négatifs pour les enfants? »
Une commentatrice lui répond ceci :
Tout le monde veut vivre la PASSION, pas l’amour, la passion !! Rien de moins. Le conjoint(e) parfait, -physiquement- en particulier, la carrière extraordinaire – les enfants modèles – la maison grand luxe et l’automobile de l’année. Et les ébats brûlants dans les ascenseurs… Alors quand les choses commencent à s’affadir, quand la passion du mois précédent s’estompe, quand la nana a pris du poids après le premier lupiot et quand le beau mec se révèle être d’un ennui mortel les lundis, mardis, mercredis, jeudis et dimanches soir, quand on s’aperçoit que la maison est ma foi, bien ordinaire les jours de pluie, que l’auto reste en panne, et que finalement c’est pas vraiment cela qu’on avait pensé que ce serait on se dit : «Allons voir ailleurs si ce serait [sic] pas mieux !» (gofrankiego)
L’insatisfaction traverse nos vies sans cesse. Certains philosophes ramènent cette insatisfaction à l’angoisse inhérente à la condition humaine. Jean Vanier dit :
« [L’angoisse] est un élément fondamental de la nature humaine; nous pouvons chercher à l’oublier, à la cacher de mille manières, elle est toujours là. […] Car rien dans l’existence ne peut satisfaire complètement les besoins du coeur humain. » (Accueillir notre humanité, Presses de la Renaissance, 2007, p.15)
Faut-il donc arrêter de chercher ce bonheur inatteignable ? La dépression guette ceux qui cessent de rêver, de croire en l’impossible et c’est parfois le suicide qui devient l’ultime libération.
Dans son livre Le goût du bonheur, où il analyse la pensée d’Aristote sur cette quête humaine, Jean Vanier indique qu’il ne peut y avoir de bonheur sans le plaisir. La recherche du plaisir est donc souhaitable. À la blague, il faut cependant éviter d’en faire un métier, car une étude scientifique montre que l’on perd le plaisir à pratiquer une activité dès lors qu’elle est rémunérée. Mais le plaisir peut aussi aboutir à rien lorsqu’il n’est que tourné sur soi. Il part aussi vite qu’il est trouvé, conduisant à une quête qui se rapproche de toutes les formes d’addiction.
Jean Vanier montre une voie où le plaisir peut devenir plus satisfaisant. Le plaisir est un facteur de bonheur lorsqu’il est partagé au coeur d’une relation faite de gratuité et de mutualité. La relation féconde, nourrissante, vécue dans une inter-dépendance non soumise, mais assumée, peut seule, sur le long terme, remplir la soif de l’être humain et le mettre en route vers la rencontre avec le divin.
Notre monde, parce qu’il est branché sur les médias sociaux, croit qu’il est dans la relation. Et c’est en partie vrai. Nous communiquons plus que jamais sur nous, nos sentiments, nos activités. Nous offrons nos sympathies à quelqu’un qui souffre et qui l’exprime dans un « statut ». Nous lui souhaitons un bon anniversaire, etc. Mais nous arrivons de moins en moins à nous rencontrer pour de vrai. Rencontrer, toucher, s’observer, s’émouvoir de l’échange, des sourires, des histoires qui ne seront jamais aussi bien racontées qu’en personne. Rappelons-nous chaque rencontre qui a été plaisante et enrichissante. En sommes-nous sortis plutôt vidés ou plutôt nourris ?
Sous le pseudo de Crispicrunch, une blogueuse vient de prendre la résolution du « Wô ». « Wô à cette vague monstrueuse d’égocentrisme libidineux dont je fais partie! » Elle dit ceci :
À la suite de cette réflexion politiquement incorrecte, où je vous passe les egos et les déceptions rencontrés en cours d’année, j’ai exploré mes relations personnelles et sociales et je me suis aperçue que ce qui m’a franchement manqué, en 2010, ce n’est pas la famille ni la santé ni les projets, mais la présence physique des autres, de mes amis et de mes connaissances, dans ce que la vie a de plus spontané, de plus simple, en dehors de Facebook et de Twitter.
Il est évident que cette profusion de rencontres par ordinateur interposé va créer de plus en plus d’insatisfaction, car elle ne procure aucun réel plaisir. Si Crispicrunch s’engage à vivre des relations en chair et en os, pour l’année qui vient, peut-être devrions-nous l’imiter. Cela signifie passer un peu moins de temps devant l’écran et plus devant le visage de celles et ceux que nous ne ne voyons pas assez souvent. Le plus important n’est pas le nombre d’amis Facebook ou de followers Twitter. Cela ne procure aucune autre satisfaction que de nourrir notre narcissisme. Or le narcissisme, même s’il ne fait plus partie des maladies mentales, fait quand même partie de nos vies et de plus en plus à l’ère du numérique.
Le Temps des Fêtes est une période propice aux rencontres. Les vivrez-vous comme si elles s’imposaient à vous ou bien les choisirez-vous comme des opportunités de retrouver le plaisir d’être ensemble ? Il est temps d’aller au-delà de nos nombrils et de marcher à la rencontre des gens pour être en relations vraies. Le bonheur habite de ce côté…
Je vous souhaite donc, un très HEUREUX Noël !
ps: pour bien comprendre l’approche sur le bonheur de Jean Vanier, je vous recommande un article de Jacques Dufresne « De l’admiration contenue à la compréhension assumée ».
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