La journaliste Natalia Trouiller a écrit récemment un billet dans lequel elle ironise sur la « compétition » que se font les nations pour l’idée qui serait la plus moderne-décomplexée-heureuse (MDH). Elle y mentionne plusieurs situations qui sont survenues en Europe et qui témoignent d’une banalisation extrême de l’acte de supprimer la vie. Je voudrais faire écho à son billet.
Elle relate entre autres cette offre de l’Association Dignitas (Suisse) pour une aide au suicide à bas prix en fournissant à ses membres un kit de suicide pour environ 300$ et en les accompagnant dans un boisé pour réaliser leur projet. Les suicidaires ont même été filmés au moment de passer à l’acte afin d’apporter la preuve devant la justice qu’il s’agissait bien de suicides. Or, cette méthode économique avait le désavantage d’être longue et pénible (« Les personnes tressaillent durant «plusieurs dizaines de minutes» avant de mourir »). Et c’est cela que Dignitas appelait « mourir dans la dignité » !
En 2004, aux Pays-Bas, l’euthanasie, qui était déjà légalisée et facilement accessible pour les personnes en fin de vie, fut rendue légale aussi pour les enfants. La loi permet que l’enfant de moins de 12 ans trop malade ou handicapé pour rester digne puisse être aussi euthanasié avec le consentement de ses parents. On peut imaginer les conséquences d’une telle permission : quand les parents ne se sentent plus capables de supporter leur enfant, quand ils jugent que celui-ci ne devrait plus vivre, quand ils veulent passer à autre chose ! Ça me fait penser à un animal qu’on « fait piquer » quand il ne convient plus à ce qu’on attend de lui.
Mais ça va encore plus loin. En Grande-Bretagne, « le Collège Royal des obstétriciens et gynécologues britanniques a préconisé l’euthanasie des nouveau-nés, nés prématurément et souffrant de graves séquelles, plutôt que des soins intensifs jugés trop chers et trop lourds pour les parents. » Autrefois on discutait sur le statut de l’embryon et du foetus. On a maintenant dépassé cela car même le nouveau-né qui n’est pas conforme à nos standards devrait pouvoir être supprimé. Vaut mieux cela que toute une vie de sacrifices et de coûts sociaux excessifs ! Heureusement, cette mauvaise idée n’a pas encore été transformée en acte légalisé… Pour le moment ! Car les médecins, dépositaires de la science, ont un pouvoir d’influence important et l’idée fera sans doute son chemin: « Quand la société sera prête, on pourra passer à l’acte. » C’est ça le progrès !

Et voici qu’en Belgique, on a trouvé une méthode originale pour « valoriser » le handicap. Des parents ont poursuivi un hôpital de Bruxelles pour erreur de diagnostic prénatal. En effet, le test de dépistage n’avait pas permis d’identifier la trisomie 21 de leur enfant durant la grossesse et les parents ont dû assumer cette erreur durant 11 ans (l’enfant est décédé à cet âge). La cour a donc estimé que chaque jours de vie valait 30 euros et les parents vont ainsi recevoir, pour ces 11 années de sacrifice, une somme équivalent à environ 580 000 $ CAD. Vous pouvez imaginer les suites : désormais il pourrait être plus rentable de donner naissance à un enfant handicapé et attendre quelques années pour réclamer des « dividendes ». Ça me fait penser aux parents qui poussent leur enfant dans un sport de compétition comme le hockey… Un jour, tous les « sacrifices » consentis seront payés de retour, lorsque leur fils aura signé son premier contrat dans la Ligue Nationale de Hockey ! Vu comme ça, on pourrait dire que le sacrifice en vaut la peine ! Parents, retenez l’idée…
Bien sûr que vivre au quotidien avec une personne handicapée, c’est fatigant, c’est coûteux et c’est prenant. Tous les parents d’enfants handicapés, surtout les plus touchés, pourront vous dire que leur vie n’est pas facile, que leur rythme n’est en rien celui des familles « normales », que toutes leurs journées sont tournées vers les soins à prodiguer, les rendez-vous, les services à demander, etc. Ceux-ci – et j’en fais partie – ont vraiment besoin de soutien et d’encouragement pour bien vivre leur rôle auprès de leur enfant. Mais une grande majorité des parents arrivent à « se reformater » pour pouvoir regarder différemment leur enfant et voir à quel point il aura changé leur vie et leur personne… pour le mieux.
Une décision comme celle qui a été prononcée en Belgique aura des conséquences. Jacques Dufresne, le philosophe québécois, affirme que dans nos sociétés le progrès se résume à ceci : « si la science rend quelque chose possible, alors cette chose deviendra tôt ou tard nécessaire« . Pour se couvrir, les médecins diagnostiqueront, au moindre petit facteur de risque, un problème éventuel sur le foetus. Cela impliquera des angoisses terribles pour les futures mamans, avec l’effet d’un plus grand nombre d’avortements « inutiles » et de fausses couches dues au stress.
Quand le cardinal Ouellette et avant lui Jean-Paul II parlaient de combattre une culture de mort qui s’est répandue dans les sociétés occidentales, il paraît clair que c’est à ce genre de situations qu’ils faisaient référence.
Jacques Dufresne m’inspire aussi ce qui suit. Chaque jour, nous faisons des choix. Nous respectons les choix faits par chacun, car nous voulons être respectés dans nos propres choix. L’accumulation des choix individuels devient la norme. Ainsi, en choisissant de plus en plus de supprimer les indésirables, nous en venons à penser que « c’est correct parce que tu l’as choisi ». Le bien commun peut-il se réduire à la somme de nos choix individuels? Est-ce vraiment ainsi que nous voulons progresser dans la liberté?
Personnellement, je choisis de m’engager concrètement pour la vie, pour une culture de la vie. Si nous sommes plusieurs à faire de tels choix, peut-être finiront-ils par compter dans la multitude des choix individuels…
Comment réagissez-vous ?