18 octobre 2010: On va faire le point sur les « miracles » à 13:30. C’est vraiment nous ramener aux années 50, aux grugeux de balustres, aux aveugles de Dieu. Cette citation est de Benoît Dutrizac lancée sur Twitter.
J’ai sursauté lorsque je l’ai vue passer sur le fil (oui, je suis un « suiveur » de Dutrizac et de bien d’autres pour saisir ce qui ce passe dans notre monde à partir de ce qu’en perçoivent différents commentateurs). Je comprends très bien qu’on puisse douter, voire s’opposer férocement à la perception des miracles comme tels. Je comprends que des citoyens du Québec en ont eu tellement plein les bras avec l’Église, le clergé, une certaine manière d’avoir été soumis aux dogmes étouffants qu’ils ne puissent même plus en sentir l’odeur, comme après une indigestion alimentaire qui laisse des traces encore des années plus tard au contact de l’aliment qui a rendu malade.
Mais j’ai quelque chose contre ce « on nous ramène aux années 50 » de Dutrizac. Il y a dans ce bout de phrase et le reste de son tweet un mépris qui n’aide en rien au dialogue sur toutes ces questions. Les gens des années 50, ce sont mes parents, mes oncles, mes tantes. Ce sont des personnes qui ont trimé dur et qui ont dû faire des efforts titanesques pour s’adapter aux changements des 50 dernières années du deuxième millénaire ! La chronique de Patrick Lagacé, est d’ailleurs plus respectueuse à ce niveau que la position de son ex-partenaire Dutrizac (voir « Un petit peu de nous autres là-dedans »).
M. Dutrizac a répondu à la réaction que je lui ai faite : « D’abord, expliquez-moi votre version d’un miracle… je nous croyais à une époque scientifique, pas mythologique. » Justement, la science est encore loin de tout expliquer. C’est d’ailleurs même dans la définition du miracle: « fait inexplicable par la raison humaine que l’on suppose d’origine surnaturelle. » (cf. linternaute). Certains diront que c’est inexplicable pour le moment, car la science progresse et finira par trouver des explications rationnelles. C’est ce qui est arrivé à plein de phénomènes autrefois nébuleux, par exemple les convulsions générées par une maladie aujourd’hui bien connue comme l’épilepsie. Jusqu’au siècle dernier, on la décrivait comme une maladie de la possession démoniaque !
Pour moi, les miracles de saint André Bessette ne sont pas à voir à priori du côté des guérisons, qu’elles soient ou non explicables par la raison. Elles sont mystérieuses, bien sûr et leur caractère qui échappe à l’explication scientifique est troublant, rien de moins. Mais le plus important, dans un miracle, est moins la cause que l’effet. Dans l’Évangile, on parle de signes. Les signes sont comme des clins d’oeil de Dieu pour susciter l’adhésion de la foi. Sur une multitude de signes et de miracles accomplis par Jésus, Jean n’en conserve que sept pour imager tout son évangile. Dans les autres évangiles on fait la distinction entre miracle et guérison. Là aussi, comme pour le frère André, il y en aurait eu des milliers… Jésus aurait été un thaumaturge efficace qui attirait, lui aussi, les foules en attente d’une guérison. Mais Jésus accordait peu d’importance à la guérison : il interpellait la foi du miraculé. Le vrai miracle, c’est la reconnexion opérée entre la personne et Dieu, le Père révélé en Jésus, un Dieu d’amour infini, de tendresse, de pardon. Quand, aujourd’hui, je vois de tels fruits suite à une guérison, j’arrive à croire qu’il y a miracle. Mais pour cela, il faut la foi…
L’un des premiers miracles de saint frère André fut celui de l’épouse du Docteur Charette du Collège Notre-Dame, hostile au « frère graisseux » et qui ne jurait que par la science. Devant la souffrance de sa femme et la sienne à l’idée de la perdre définitivement, il s’est humilié personnellement en se tournant vers le simplet André qui croyait aux vertus de l’huile de saint Joseph. Que sa femme fusse guérie est déjà extraordinaire, mais que cet homme devienne ensuite un ardent croyant, un défenseur du portier de Montréal et un contributeur à sa cause est pour moi le vrai miracle: dans les effets (la conversion, le changement de vie) et non pas dans la cause (le signe lui-même).
Plus tard, on pourra peut-être expliquer la raison de la maladie de cette dame et considérer qu’elle aurait pu être guérie en 2010 par la science médicale. Cela n’enlèverait rien au fait que ce médecin a consacré une grande partie de sa vie à se dévouer à la cause de Dieu et à faire le bien. Il est probable qu’il ne l’aurait pas fait si le signe ne lui avait pas été donné, d’où le miracle. Et prenez bien notre de ceci : la science trouvera encore de nouvelles explications à des phénomènes qui paraissaient jusqu’alors inexplicables, mais il en restera toujours autant qui seront sources d’interrogation, de dérangements ou d’angoisse pour les habitants de la terre. Ces événements les feront encore se tourner vers le ciel, à la recherche de sens et d’orientation pour leur vie. C’est là, au point tournant, que Dieu les attend le plus souvent et se montre ouvert et accueillant. Cette rencontre est, depuis toujours, le lieu le plus bouleversant qui chavire toute une vie pour la mettre en marche vers plus de vie, plus de fruits.
Oui, je crois aux miracles. Je ne m’intéresse que peu aux guérisons. Si une personne de mon entourage en a fait l’expérience, je m’en réjouis et je veux en rendre grâce. Mais s’arrêter au signe, c’est manquer l’essentiel: Dieu en personne vient nous toucher, nous prendre dans ses bras de père ou mère, nous redire notre dignité de fils ou fille, nous envoyer comme des hommes ou des femmes debout au service de plus d’humanité, à son image et à sa ressemblance. Voilà le miracle qui « vient me chercher », comme on dit.
Comment réagissez-vous ?